Des plumes pour Bright Mirror
Bright Mirror c’est la rencontre de ceux qui ne cèdent pas à la facilité des dystopies provoquées par nos peurs, souhaitent sortir du binge-watching de séries inquiétantes.
Depuis trois ans environ, l’équipe de Bluenove, invite des citoyens venus de tous horizons partager un moment pour écrire des histoires qui mériteront d’être vécues.
A la première édition, je m’étais rendu au lieu du rendez-vous, ou pour vaincre ma timidité, Olivia avait accepté de m’accompagner. Les groupes se sont rapidement formés, sans se connaître d’avance. Accompagnés par une professionnelle de l’écriture. La séance de rédaction dure à peine quarante cinq minutes. C’est avec plaisir qu’on se partage nos écrits. Que l’on se donne envie de se revoir.
Hier soir, au cœur de ce deuxième confinement, après une nouvelle longue journée passée derrière l’écran à pester contre les poly-handicapés de la visioconférence, les réfractaires à l’usage de la webcam, j’ai hésité à rallumer l’ordinateur. Je n’ai pas regretté.
Nous sommes une soixantaine, à l’heure, tous visibles, souriants avec le cœur s’accélérant un peu. Des anciens, des nouveaux, des pros du sujets, des habitués. Après l’introduction et la mise en bouche sur le thème du jour : “le spectacle vivant”, nous voilà automatiquement dirigés dans nos salles de travail. J’y découvre Mathilde, Véronique, et Joffrey qui nous guidera et tiendra la montre.
En quarante cinq minutes, et zéro secondes, pas une de plus, on se présente, on cherche un thème d’accroche, le spectacle zéro déchet, on jette le début d’une histoire, quelques anecdotes pour ancrer le récit, je prends la plume sous la dictée de mes co-rédactrices.
On tient le timing dans un accord parfait, une symphonie sans couacs, à l’écoute les uns des autres, dans une intimité inversement proportionnelle à notre éloignement premier. Nos horizons quotidiens sont tellement aux antipodes.
On sort éjectés et propulsés vers la grande salle virtuelle sans pouvoir négocier de répit.
Nous nous remercions les uns les autres dans le tchat où tout le monde se lit.
Ceux qui ont pu finir leur texte lisent leur histoire à l’assistance enchantée.
Je vous partage notre moment, voilà notre histoire.
Merci Mathilde, merci Véronique, merci aux organisateurs
Zero Impact, Pleine émotion
26 novembre 2030. Je reçois une notification. Ce soir, je me mets dans la peau d’un comédien et je joue dans ce nouveau spectacle qui veut ne pas laisser de traces après son passage.
Mon journal m’a commandé un billet et cette fois je ne peux simplement pas être spectateur.
J’ai du mal à sortir de mon rôle convenu de critique, détaché, observateur des réactions de la salle pour ma prochaine diatribe.
J’arrive avec ce dont je vais avoir besoin et que je ne laisserai pas en partant. L’espace du spectacle à l’issue de la représentation n’aura eu aucun impact sur l’environnement. On ne trouvera plus les sempiternels gobelets plastiques poisseux traînant au sol. Le jardin à l’entrée sera enrichi de nos apports fertiles, du passage de nos émotions partagées.
Pour une première il y a du monde, le public s’installe peu à peu, et les potentiels de nos corps qui se rapprochent produit l’électricité nécessaire au projecteurs de la salle. Pour une fois la scène est faite de véritables planches charriées par quelques-un des spectateurs.
Le spectacle commence déjà, les acteurs entrent sur scène, nos applaudissements illuminent les rampes et nous soufflons de tous nos poumons pour chauffer leurs costumes à réaction chromatique. Plus tard, nous prêterons nos manteaux pour l’acte suivant.
Chaque rire, chaque frémissement, chaque applaudissement, chaque réaction du public dégagent avec force ce qu’il faut de l’énergie transmise aux acteurs, à leur jeu, à leur performance. Tout se crée, rien ne se perd, tout se transforme, leur talent est de nous révéler nos propres émotions, et de nous rendre ensuite les watts qu’on leur a prêtés.
A l’entracte, on prendra la collation partagée que chacun aura eu l’envie d’amener. Les poubelles de la salle resteront vides, sans déchets.
Nos batteries rechargées, nous voilà prêts à relancer la machine. Le décor se transforme à notre contact, en reflet de ce qu’est le public de ce soir. Pour la représentation de demain il sera forcément autre.
J’ai oublié mon rôle de journaliste, ma propre personne. Toute mon énergie a contribué avec les autres à rendre le spectacle possible. Celui-ci ne se tient que parce que tous sont là, singuliers, ensemble, mutualisant nos apports, œuvrant de concert pour que les artistes puissent nous sublimer.
Nous sortons tous; la salle se vide; nous sommes vidés, et pourtant nous avons enrichi l’univers qui est le nôtre.
Plein impact, Toute émotion.