Le vélo est le nouveau romantisme (Ep. 14)
Un coup de mou, pas de motivation, le remède est simple.
Un #velotaf, le matin, un #velotaf le soir et s’en souvenir entre les deux.
Cette histoire a été initialement ecrite sur Twitter le 18 décembre 2018
Il y a des matins, où l’envie n’est pas là, vraiment pas. Les dossiers se sont déversés comme une poubelle non recyclable, en ces derniers jours de l’année. L’incertitude est généralisée et nous gagne en profondeur.
Je ne crois pas être jamais parti aussi tard de la maison, j'ai attendu que la lumière arrive. Les enfants se pressent pour aller à l'école à quelques centaines de mètres de la maison. Je n'ai pas l'habitude de voir autant de circulation.
Je rejoins au plus court la #Couleeverte pour m’échapper au plus vite des motorisés. Les travaux de réfection de la voie verte sont achevés.
Quitte à traîner, à ne pas avoir envie, je sors la petite boîte à images de ma poche, la place sur le support de guidon pour la dégainer rapidement. Le temps de la pose, je vois défiler quelques spécimens pédalants. Une nouvelle espèce du règne animal.
A la montée de Sceaux, les guirlandes de Noël au fond appellent à appuyer un peu plus sur les pédales. Je n’ai toujours pas envie. Au loin, les cyclistes qui m’ont passé à la pause gardent leur distance.
En haut de la butte, les autos se sont arrêtées sur le plateau traversant. Je relance après avoir scanné d’une rotation à 180 degrés de la tête. La chicane, fluide, sans freiner. La descente. Je ne me lancerai pas, je laisserai la gravité m’emmener.
Et si, je les rattrapais, ceux-là devant, sans un coup de pédale. Je recherche le meilleur équilibre, le poids également réparti sur les deux roues, la trajectoire idéale, le regard au loin. Les S se succèdent avec un léger balancement.
A la frontière de Fontenay, le terre-plein oblige à un long pif paf, entre les poteaux, une chicane en montée, épuisante pour la relance. Quand tout s’enchaîne, on arrive quasiment sur le replat avec seulement deux coups de pédales.
Je les ai rattrapés. Pierre qui roule n’amasse pas mousse, mais avance vers son destin… La passerelle du RER préfigure le tourment tournant de la remontée. Notre Tourmalet quotidien.
Je passe les deux papoteurs devant moi, je rattrape quelques autres. Qu’ils sont nombreux à cette heure. Je dois connaitre chaque bosse de racine dans le tronçon qui mène à Bagneux. La pente, la distance entre deux chicanes. Je me résous à appuyer un peu plus fort.
Pas plus de deux tours de pédales, à l’instant où mon semblable bute sur la racine. Ça suffit pour passer sans gêner, prendre de la distance. La cuvette du Stade arrive, et mon vélo file plus vite. De l’utilité d’un entretien régulier et minutieux.
Au pont SNCF, les autos sont également arrêtées. Je croise “casque intégral” sur son course manifestement trop petit. A la rue Perrotin, je traverse. De l’autre coté, un autre arrive. Eye contact. Ça suffit pour se comprendre, se croiser par la gauche sans se gêner.
J’entends un hurlement. Me retourne et vois l’auto se prendre pour un taureau, et mon congénère pour un torero. Ouf c’est passé vraiment juste. Je repars toujours aussi lentement.
On arrive dans la ville lumière. Elle est déjà très allumée. Les cyclistes sont chaudement habillés. Je n’ai que deux couches bien fines depuis quelques jours. On se cale en quinconce. Ça prend moins de place.
J’aime bien le faux plat descendant de la Vercingétorix. Et je rejoins un vélo juste avant l’entrée sur la chaussée. J’observe la trajectoire du Btwin qui me précède Pas si mal, je m’attendais à pire de la part de son cavalier. On remonte vers Alain.
Et c’est la sortie de la coulée verte ! L’arrivée de Paris-Roubaix. Nous sommes trois. sur la largeur de la voie. Du keirin en Catalogne.
Au feu du Départ, elle a un joli bonnet à pompon. On se salue. On se mouche tous les deux. Pas à deux. Chacun pour soi.
On glisse la rue de Rennes, comme tiré par les cerfs du Père Noël. Je lève les yeux. Le doré de Félix Potin brille au soleil. Retour au trafic.
Que n’ai-je entendu : “Et les personnes âgées, et quand il fera froid, et gnagnagna” Même plus envie de leur répondre.
Au Four et à Saint Germain les traditionnels squatteurs de SAS vélo sont bien là. D’habitude je me cale à gauche dès le feu précédent. Là je n’ai pas pu. Et j’ai donc utilisé le sas bien encombré tel qu’il est destiné. Je vous fais un dessin, plus simple qu’un discours.
J’arrive pleine balle sur le scoot (2) au ras du pare choc de l’auto (1) Le scoot essayait de reculer.
— Non, c’est bon je ne vais pas sur le trottoir, je veux aller en face. Et en plus vous savez, là c’est un sas vélo. Ca vous vaut 135€ et 4 points.
Il me sourit !!!!!!!!
— C’est vrai ?
— Mais oui, et en plus maintenant vous êtes video-verbalisés. Et ça nous met en danger Il essaye encore de reculer, sans succès.
— Pas la peine, regardez la prochaine fois. Il acquiesce. Sourire, le feu passe au vert.
Le soleil réchauffe les berges, le Louvre, Orsay.
Je zigzague, je divague entre les amas de camions et d’autos jusqu’au bureau. Les vélos de Pierre, Jean François, Laetitia sont là. L’envie, revient doucement. La pile sur le bureau est toujours aussi haute. Ce soir il fera nuit.
Ça y est c’est le soir. La pile s’est remplie autant qu’elle s’est vidée. Lassitude, il fait nuit. Je vais remettre une couche de plus pour rentrer.
Je pars, il est tard, ce truc qui ne veut pas rentrer dans les cases, n’est toujours pas fini. Je suis las, et au moment où je remercie le planton de m’avoir ouvert le PMR, je voudrais déjà être arrivé.
La descente de Poissonnière est infernale. Des voitures à l’arrêt tout du long, elles ne s’alignent pas et c’est un gymkhana que d’avancer. Ça se débouche rue de Cléry, et la Seine est déjà là.
Après tout me dis-je, ce matin, je m’étais dit, oui je me parle souvent tout seul, et je me vouvoie sinon ça m’excite comme Pierre Desproges, je m’étais dit, donc qu’au retour je prendrai un chemin de traverse.
Et donc sur la rive gauche, de mon Paris, je contourne Saint Sulpice, plutôt que de filer rue de Rennes. Le Luxembourg est fermé, tout noir. Je remonte jusqu’au Dôme, je traverse un des cent villages de Paris, les lumières de Bobino éclairent la rue comme le jour.
Je rattrape la coulée verte, mettant fin à ma divagation. Il m’en reste long à faire, la piste est quasi vide de tous occupants, la route commence également à se vider. Je vais rouler en méditation, sans m’accrocher aux pensées.
Stein de @FARaVelo attend son date au milieu de la piste. On papotera en l’attendant à la lueur de nos loupiotes. Il est rigolo, avec son bonnet pointu comme s’il n’était pas déjà assez grand. Je me vide la tête, on devise sur l’association, le collectif banlieue sud.
Elle arrive, on se salue, chacun repart dans sa direction. Il est encore plus tard, et j’aurais pu être arrivé. Je choisis la route, plus régulière à pédaler, quand arrive la dernière et large cuvette. Au lieu de remonter autant que possible sur l’élan, je prends à droite.
Je vais bercer les loups, sous l’arbre des nuits de Chateaubriand. Me remémorer l’été brûlant. Lumière blafarde, aucun moteur n’est audible.
Quelques virages de plus, des habitants du quartier devisent dans la rue. Ils me sourient au passage. Je suis arrivé. Je ne regrette pas la couche supplémentaire, une brise froide soufflait ce soir, juste coupée durant les rues de mon vagabondage.
Je chauffe mon dîner, j’ai bien fait de prendre double dose ce soir. Elle m’aidera j’espère à passer une bonne nuit. Stein et sa douce seront sur la piste du retour vers 23h. Je suis au chaud, je profite de la chance que nous avons de notre liberté de cyclistes.
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