Le vélo est le nouveau romantisme (Ep.45)
Along by Scops, avec Vivien, Erwan, Bastien et tout.e.s les autres. Qu’iel.s soient infiniment remercié.e.s. Et Pierre Charles en premier.
Sans contrainte aucune, sans contre-partie, je souhaite aujourd’hui remercier chaleureusement Pierre Charles de SCOPS et ses acolytes pour l’aventure qu’il nous a fait vivre quelques jours durant à mes compagnons d’échappée et une cinquantaine d’autres.
Vous l’avez peut être lu avant ici, du Velut aux itinérances estivales, ma pratique évolue. Mes périples sont toujours organisés par mes soins et je découvre qu’on peut se laisser emmener (c’est là).
Je n’avais pas vraiment pris conscience de cette évolution qui me semblait pourtant lente, jusqu’à ce que Vivien fasse un bilan pour moi.
Premier 100 kilomètres du XXIième en mars l’an dernier, premier 200 cette année, Cyclosportive gravel de plus de 100 kilomètres ce printemps avec un profil dévastateur et me voilà engagé sur Along.
Vivien a pris ses billets de train très tôt, Bastien et Erwan se sont laissés tenter juste après la Gravel Vache qui Rit. On cale la logistique, les choix de matériel, de tenue dans un groupe de messagerie cryptée. Dans les semaines qui précédent on se projette déjà, on partage nos peurs, on s’alerte des newsletter de Pierre Charles qui commencent à arriver.
On a décidé de dormir en dur pour transporter moins et les couchages sont réservés.
Un groupe de messagerie est ouvert par l’orga pour l’entraidr à se loger au départ ou l’arrivée. Les notifications sonnent sans discontinuer dans une ambiance plus que sympathique. On ne ressent en rien l’envie de montrer qu’on a le plus gros développement. Ça ne fait que donner l’envie d’y être. Pierre Charles n’y intervient que très peu laissant les participant.e.s faire connaissance.
C’est là tout l’esprit de ce qu’il nous prépare : Vous vivez l’aventure et je ne suis juste là que pour veiller sur vous.
On nous a simplement demandé un certificat médical, rien de plus. Ton vélo doit être fonctionnel, tu dois être autonome pour dormir, te nourrir, te dépanner, te guider.
Quelques jours avant et pour les débutants, le partenaire spécialisé dans la cartographie d’activités de nature propose un webinaire pour apprendre à utiliser son logiciel et ses subtilités.
Pierre Charles organise une visio pour répondre aux questions et rappeler l’esprit de l’évènement. On comprend à ce moment aux questions ce qui est nouveau pour chacun. La trace n’est à ce moment pas définitive et on mesure le soin qui lui est apporté afin de ne pas nous placer en fâcheuse posture.
La dernière newsletter contient les ajustements finaux de parcours et les points d’attention particuliers les descentes vraiment difficiles. Les montées, on verra sur place et on ne va pas être déçu du voyage.
Et c’est le jour J. Enfin celui d’avant.
Après le taf, en cinq minutes de randonneuse, je retrouve Erwan à la Gare de l’Est où le train de Bastien arrive, et on file direct au briefing en suivant le canal de l’Ourcq. Une table, deux oriflammes, un petit haut parleur.
Le règlement est des plus simples : vous faites comme vous voulez, on se retrouve à l’arrivée où les futs de bière frais vous attendent
On nous remet la gapette, deux barres énergétiques et la balise. Tout le monde est souriant, content d’y être. Beaucoup sont là en groupe de potes.ss.es constitués mais n’hésitent pas à socialiser au delà de leur groupe. Ceux qui viennent de loin ont leur monture pour le ride avec eux.
La balise, un petit boitier qui envoie très régulièrement ta position et celle des autres sur une carte. On a envoyé le lien de la carte à la famille, aux collègues, aux potos des réseaux pour qu’ils vivent à distance notre avancée.
J’avoue que ça me chagrinait d’avoir une balise, car pour avoir dotwatché la Race Around The Netherland, j’avais le sentiment que c’était pour l’orga une manière de vérifier le respect du règlement. Or non, ici rien à fiche du drafting, rien à fiche de suivre la trace gps au waypoint près pour obtenir un goodies de finisher. Pour les concurrents, je pensais que c’est un moteur de leur course.
Vous le verrez, il n’en n’est rien. Mais absolument rien.
On a vingt bornes à faire pour rentrer jusque chez moi donc on ne traine pas. On traverse Paris en faisant quand même un détour pour passer devant chez Daniel pour le folklore, Notre Dame au kilomètre zero parce que c’est là d’où tout doit partir, la place des grands hommes parce qu’on le vaut bien, on se gausse au passage du périph’ et ses bagnolards aglutinés.
On monte les vélos dans l’appart’ pour que ce soit plus simple de faire les derniers réglages et partir vite demain matin. Le diner n’a qu’à être réchauffé. Bastien rustine des chambres à air avec de la colle toute séchée, je finis de remplir mes bagages. Vivien arrive à onze heures sans s’être perdu depuis la gare de Lyon. Il avale son diner par politesse, il n’a pas faim. Les couchages sont installés chacun dans une pièce, son vélo à son coté.
Et c’est le jour J. J’ai eu du mal à m’endormir de peurs et d’excitations mêlées. Douche rapide, on avale un café et on rejoint le départ à quatorze kilomètres dans la banlieue encore endormie. Je suis chez moi et donc devant. On s’arrêtera à la traversée de la Seine pour la photo du fleuve qu’on va remonter. Joyeux et presque dans le timing on arrive pile à huit heures, heure du départ. Bastien doit acheter une chambre à air et on a envie de boire le café encore chaud pour nous. Iels s’élancent tous, et nous restons à papoter avec Pierre Charles pour ne partir que dix minutes après tout le monde. Ce sera je crois notre marque de fabrique, ces trois jours
Ça me va parfaitement d’avoir le chemin pour nous quatre, de partir à notre rythme, de se chauffer doucement.
On sort tranquillement de Paris, la voie cyclable des bords de seine à l’est de la gare de Lyon est un flot continu de vélotaffeurs à contre-sens. A peine a-t-on passé la confluence de la Marne et de la Seine que nous voilà sur un chemin à hauteur du fleuve. Déjà on passe les premiers qui réparent leurs crevaisons en s’enquérant d’une éventuelle aide qu’on leur pourrait apporter. Chacun est autonome, et au “ça va ?” on nous rétorque d’un pouce levé. Je suis devant, j’enchaine vite dans les singles. Derrière ça colle sans presser.
La trace détourne un moment du Fleuve pour aller chercher les bords de l’Yerres et ses promenades, c’est large, stabilisé, les zones humides se passent sur de longues passerelles où les planches font vibrer les fesses curieusement. Sous le couvert des arbres, il fait juste bon et au dessus le ciel est grand bleu.
Je rattrape Marine dans un single et reste derrière à son train. Elle a quelques soucis de fiabilité de son dérailleur avant. Elle a fait une étude posturale et m’explique des trucs supers intéressants.
Au détour d’un woops, un mini gué empierré de la longueur du vélo est à traverser. Sur la remontée abrupte d’en face, Pierre Charles est accroupi reflex en main et shoote les passeurs. De la surprise, de l’attention prodiguée, du sourire, de l’analyse du passage, du changement de vitesse rapide pour le ressaut à suivre, j’en glisse un instant relançant la machine d’un coup de pied à terre.
On repart tout sourire. On a évité l’enfer du passage de Villeneuve Saint Georges et on entre dans la forêt de Sénart. Plate et aux routes forestières rectilignes, sous les grands arbres on ne sent pas encore vraiment la chaleur.
Une voie verte parfaitement droite de cinq kilomètres au milieu de rien protégée par des haies surprend un peu. Je descends sur les prolos pour ménager d’avance mes coudes et poignées et suce la roue d’Erwan à deux centimètres. On file à bon train en doublant quelques aventuriers seuls sur la piste. A l’entrée dans la forêt de Rougeau je me crois déjà à Fontainebleau que j’attends avec tant d’impatience.
Au sortir, à Seine Port, face à la trace, une boulangerie à la devanture vert pastel sur laquelle sont appuyés des vélos. On a fait soixante kilomètres comme qui rigole. Jusqu’ici tout va bien. Conciliabule express, on s’arrête même si nous avons du ravito pour la journée. Notre petit déjeuner acheté on s’attable au café d’en face rejoint par quelques un.e.s qui ne sont pas déjà reparti.e.s. Sibylle nous explique sa blessure qui ne l’a pas empêchée de partir et va rendre son parcours douloureux. On prend notre temps, complément de remplissage des bidons dans les toilettes du bar.
Le méandre de la Seine qui entre dans Fontainebleau est un bitume un peu défoncé. C’est parfaitement calme. L’estomac calé on expérimente le Group Tracking de nos Garmin. Ça sera plus qu’utile plus tard.
A Dammarie les Lys, c’est la première vraie montée raide et un peu longue. Je n’arrive toujours pas à développer assez de puissance et je ralentis en laissant les trois autres monter à leur train. J’arrive un instant à accrocher la roue d’un autre un poil moins véloce sans que cela ne dure vraiment. Il y a dix jours j’ai rajouté huit dents au dernier pignon de la cassette et du changer le dérailleur pour qu’il ne frotte pas. Le test post montage m’avait paru concluant et se confirme dans ce premier raidard. Ca ne monte vraiment pas vite, mais certainement pas en force non plus. Dire que c’est en souplesse serait osé.
Dammarie, c’est là où habitait Jacky Godoffe star des grimpeurs bellifontains un jour recontré au Bas Cuvier et qui m’avait ce jour là conseillé sur un passage. L’entrée véritable dans la forêt de Fontainebleau me renvoit plusieurs décennies en arrière quand, avec vingt kilos sur la balance en moins, je ne ratais pas une occasion d’aller caresser le grès avant de tenter lui monter dessus par le coté le plus dur. Des années à parcourir les circuits d’escalade avec le grain de ce rocher magnifique au creux des mains, l’odeur du résineux qui fait avec le sac de pof une symphonie de senteurs, des heures à tenter un passage pour enfin y arriver.
M’y voilà à nouveau à serpenter entre les blocs. Un grimpeur se prépare et se fait mon miroir de ce temps à ne penser qu’à monter toujours plus haut. Entre les fougères, le chemin de sable blanc ralentit bien l’allure. La monte pneumatique y fait ici bien plus que la capacité physique. Et celleux qui n’ont pas les plus gros crampons se retrouvent à pousser. J’essaie de sortir de ma concentration à l’effort pour profiter de l’endroit.
On est dans le paquet du Grew et des GOW, les filles qui roulent fortes ensemble quand on arrive à en haut, qu’on souffle un instant, qu’on s’hydrate parce qu’on a bien chauffé.
Dans la descente en lacets qui suit, exalté par ce moment de nostalgie, requinqué par l’eau du bidon, je descends sur les drops avec un doigt sur chaque levier de frein. Le terrain est meuble, les virages courts et aveugles derrière les arbres et les rochers, il faut être alerte. Je préviens au dépassement celui qui devant préfère assurer.
Juste devant moi, Lucile sort un peu large du virage et manque de se manger l’arbre en bordure. Je ralentis pour m’assurer qu’il n’y a pas eu de choc et relâche les freins pour achever la descente. Je m’en voudrais terriblement qu’elle se soit déconcentrée en m’entendant derrière et provoqué son écart de trajectoire. Si tel est le cas je lui présente aujourd’hui mes plus plates et sincères excuses. Je ne sentirai pas à ma place.
On remonte sur la route forestière de la Solle qui serpente et surplombe la forêt. Les trois autres m’ont encore lâché, mais une fois sur le plat, je vois dans mon gps qu’ils ne prennent plus de distance, et je roule en contemplant l’horizon en maintenant l’écart.
La route qui nous sort de la forêt et mène au pont de Samoreau est bien circulante. On se regroupe pour décider d’aller chercher un café au village. J’avais bien prévenu cet ami qui qui y réside et m’en aurait voulu après s’il avait su que j’y passais, or aujourd’hui, après trois mois de combat, en rémission il est en examen médical. On ira donc au café qu’il m’a recommandé.
C’est en passant à lui avec qui j’ai parfois grimpé, traversé la Manche en voilier qu’au bord de la Seine retrouvé, Pierre Charles est là tout sourire. Quelques cyclistes sont arrétés, font une pause, remplissent leurs bidons aux jerricans posés sur la table. Les thermos sont pleins de cafés.
Nous avons parcouru quatre vingt dix kilomètres et exactement la moitié de l’étape prévue. On mange les wraps de légumes préparés à la veille. Je demande cinq minutes de pause de plus quand certain.e.s arrivent et d’autres repartent. Chacun.e a son tableau de marche en fonction de ses capacités, et de son expérience aussi.
Des trois jours, on ne croisera jamais ceux qui seront arrivés en deux jours. Des groupes qui avancent et font la pause, on se passera et repassera. On papotera un instant au remplissage des bidons avant de repartir.
On aura vu Pascal et son fils. Pascal et ses maudites sacoches dont un rivet s’est arraché et qui outre les crevaisons passera beaucoup de temps à arrimer son barda avec les ficelles dégotées en chemin. Il arbore le maillot de la Vache qui rit. On le croisera souvent. A chaque fin de journée, c’est nous qui le dépassons le laissant fermer la marche du cortège étiré sur des dizaines de kilomètres. Il avancera avec ténacité et sourire jusqu’au dernier jour, seul et dernier sur la trace.
Nous n’ouvrirons la carte de tracking des balises que pour s’assurer qu’il avance toujours opiniâtrement alors qu’on l’avait un peu déposé précédemment sans possibilité pour lui de suivre notre rythme pourtant parmi les moins rapides.
J’ai compris que Pierre Charles en ange gardien vigilant s’assure grâce à la carte qu’on n’a pas surestimé le parcours, qu’on arrivera au bout sans se faire mal. Que les fois où il nous attend à l’endroit précis où on aurait pu le désirer, il interroge sans juger sur nos états de forme et prend simplement les mercis de la trace qu’il nous offre.
Trois jours, quatre cent cinquante kilomètres c’est déjà un long voyage et il ne serait pas raisonnable de s’y engager sans avoir un tant soit peu frotté son fessier sur la selle. Rien ne vous l’interdit en fait. Pour ma part, le challenge est très au dessus de ce que je connais et j’apprends à chaque tour de manivelle.
La suite de la journée est un long faux plat montant à la même pente que la Seine. Jusqu’à Montereau on sent encore la civilisation. Cent vingts kilomètres et c’est le maximum jamais fait en gravel. Tout le reste ne sera que du bonus. On est à découvert, et il fait chaud. Très chaud. Le groupe décide de traverser les deux ponts de la Seine qui se jette dans l’Yonne. Ou l’inverse et va quérir des sodas frais ainsi que quelques viennoiseries roboratives. On va s’assoir sur la rive droite pour manger, et sur la rive opposée, on les voit passer seuls, par deux, par trois ou plus, reconnaissables à leur maillot ou à la silhouette de leur bagagerie légère. On s’interrogera pour savoir où est Pascal jusqu’à n’être plus que derniers avant de repartir.
Il y a eu des moments plus plaisants sur le parcours. On longe une infinité de gravières avec parfois des bull dozers et d’énormes camions sur la piste de service qu’on emprunte, pleine de trous. On doit penser à remplir nos bidons. J’indique qu’à Bazoches ou a Bray un bénévole a cartographié des points d’eau. Mais Bastien parie qu’à la Tombe avec un tel patronyme de village ce serait bien le diable qu’on n’en trouve pas. En traversant ledit village plombé par le soleil, en face de l’église qu’on passe au ralenti, derrière la clôture et les agrès pour enfants, sur le mur du bâtiment Vivien spotte un robinet. On s’y arrête. On boit, on boit, on s’asperge pour décoller la poussière et baisser la température corporelle.
A peine est-on parti qu’en plus de ses baisses de pression constatées juste avant le départ, Vivien a crevé. Cent mètres à peine après le point d’eau que je penserai à cartographier plus tard, on s’arrête à nouveau. Je sors les mèches. La première est trop petite, la seconde est trop grosse et ne rentre pas, à la troisième c’est bon. Le ciseau du leatherman coupe bien à ras.
Pendant le travail, Marine arrive avec de la musique pour unique compagnon. Bastien lui indique le point d’eau, et elle ira refaire le plein. Elle repasse en fanfare alors qu’on s’affaire encore autour du pneu. Les couples de pécheur taquinent le gardon sans sourciller. Il fait chaud.
On reprend les chemins de caillasse sous le cagnard, ils sont de plus en plus défoncés. J’ai un peu de mal à suivre, et il suffit d’un dixième de degré de pente pour que l’écart se creuse. Ils sont déjà hors de vue quand faute d’avoir bien fermé la trousse, je découvre que j’ai semé mes outils et la balise sur le chemin. Je peste, et fait demi tour pour les retrouver heureusement pas trop loin. Un “ça va ?” s’affiche sur le Garmin, je réponds “oui” en tapotant l’écran sans plus d’explications et les rejoint pour leur expliquer la mésaventure.
Je commence surement à piocher dans mes réserves, le derniers tronçons étaient pénibles en pleine chaleur et plein de poussières, très cahotant sur la fin. Je bois un coup, on repart et comme miraculeusement ça descend de quelques mètres comme à chaque fois, grâce à mon surpoids je passe devant en traversant le village.
C’est donc en premier, enfin qu’on entre dans un sous bois. Le chemin est carrossable caractérisé par ses deux bandes de roulements en terre et la bande verte entre les deux. C’est plat, c’est frais. Je suis assez content d’avancer d’avoir retrouver l’outillage et surtout la balise ainsi que de rouler à nouveau tout près de mes compagnons d’aventure.
Mon attention se relâche et je suis plus à essayer de capter l’odeur d’humus qu’à scruter la piste. Sans crier gare je sens un immense choc à l’avant. Je ne me souviens que d’avoir vu la roue avant à angle droit, le cintre a tourné autour du pivot. Sans aucune conscience du vol pas plané du tout je suis passé par dessus le vélo. Le souvenir suivant c’est d’être assis par terre, un peu sonné, une douleur au tibia, un peu froissé de partout. J’ai bien senti Erwan m’arriver dessus et d’avoir le réflexe de m’éviter.
Au travers du chemin, sur sa moitié seulement, il y avait un rondin d’une quinzaine de centimètres de diamètre. Abordé pleine face en appui sur le cintre, sans être à pleine vitesse, mais déjà lancé, je n’ai rien pu faire. Les autres ne l’ont pas plus vu. J’ouvrais la route et derrière on s’engage avec plus de détachement s’alertant des changements brusques de trajectoire pour deviner l’obstacle qu’on ne voit pas encore.
Je fais le tour de moi même pour faire le constat que rien de grave ne m’est arrivé. Ils auscultent le vélo. La roue avant est salement voilée mais fonctionnelle. Le disque de frein n’a rien. Le pivot de direction n’a semble-t-il pas morflé. Le cintre a tourné de quatre vingt dix degrés. Les prolongateurs ont aussi un peu pivoté. On sort le multi-tool pour remettre tout ça en place, et les prolos ne se remettent pas de façon vraiment symétriques. Je crains d’avoir tordu le cintre. Au soir je découvrirais que c’est la plaque de repose bras qui s’est simplement tordue.
On repart à petit rythme, ils m’encadrent devant et derrière et prennent soin de moi. Il reste encore trente bornes. Je ne pense à rien, j’ai l’esprit vide.
Il y a six kilomètres de canal rectiligne avant Nogent sur Seine et j’ai retrouvé un peu de vigueur. On double Pascal aussi vite que les fois précédentes en lui demandant comment ça va.
A l’entrée de Nogent, encore une fois, Pierre Charles est là, en compagnie du cyclo club du coin. Les enfants du club de triathlon sont un peu tristes qu’on ne boivent pas les sodas qu’ils nous proposent. On se gavera des morceaux de pastèque. Je raconte mon “cirque du soleil”. Pierre Charles s’inquiète. Deux fois. En plus j’ai le lobe de l’oreille taché de sang coagulé. Il veut savoir si je n’ai pas une boucle d’oreille arrachée. Je me souviens bien en début de matinée m’être fait fouetter le visage par des ronces dans un single étroit. Ce n’est rien. On est à l’étape. J’ai parcouru soixante dix kilomètres. C’est ça de pris. Bastien et Vivien filent trouver un resto ouvert, et avec Erwan nous arrivons quelques minutes après.
On y est. On se pose. Je décompense un peu. Les intestins en vrac d’avoir eu chaud, eu tant d’émotions belles comme non désirées, d’avoir mangé toute la journée y compris de la poussière, je vais me vider aux toilettes.
On appelle nos familles respectives qui attendent de nos nouvelles. Ils font des bisous de loin à leurs enfants. Les burgers, les pâtes sont dévorées. J’ai envie d’une glace, c’est ma Madeleine des longues randonnées d’antan et d’aujourd’hui. En deux tours de roue on est devant l’AirBnb dont la boite à clés cède aux assauts de Vivien. C’est royal, gigantesque. Privilège du plus vieux j’ai la suite parentale. On a chacun une pièce et Bastien dormira dans le canap.
Je fais mes ablutions rapidement et pendant que chacun s’affaire, je démonte la bagagerie pour ausculter le vélo. La poubelle jaune fait un excellent pied d’atelier et je redresse la moitié du voile. C’est loin d’être parfait, mais je peux rouler.
Luxe ultime on a lancé une machine à laver, et on repartira demain avec des fringues bien propres et sèches. Morphée m’attrape dans ses bras à peine couché.
Notre étape est la moins avancée du parcours. Dix kilomètres devant nous les filles du Grew et des GOW ont trouvé leur dortoir. Deux autres ont bivouaqué au bord du chemin. Le spot de bivouac proposé par Pierre Charles est au moins à cinquante kilomètres. On partira à nouveau les derniers.
Sur le groupe de messagerie des participants deux s’étonnent d’être les seuls à rouler la nuit. Tou.t.es les autres en rigolent.
Au matin, l’auto analyse ne révèle aucune douleur particulière, pas même de courbatures alors que ma dernière longue sortie date de bien longtemps. Chacun emballe ses affaires en silence, boit un café. On s’est juste regardés pour checker que l’autre va bien.
On repart.
Je suis bien, trop surement. Les chemins sont des routes non bitumées, larges, mais pleines de trous entre lesquels il faut zigzaguer comme dans un single. Le rythme est soutenu, le groupe groupé. On traversera des chemins de champs à peine fauchés et les galets de dérailleurs se sont entourés de paille de blé. On fait un peu de moisson pour retirer tout ça quand Lucille et Maud nous rejoignent pour se lancer dans la même activité.
C’est globalement roulant avec des passages plus cahotiques, le ciel est un peu chargé, la nuit a été réparatrice et l’impression de chaleur n’est pas là.
On file un bout de canal et me cale derrière Erwan qui accélère toujours plus. Je suis toujours. Conciliabule express, on s’arrête trouver un café dans le village où l’on arrive. Trente cinq kilomètres avec un seul arrêt pour la paille de blé, en un temps record pour moi. Au pied à terre devant l’épicerie, j’ai du mal à reprendre mon souffle, la tête qui tourne un peu et il me faudra plusieurs minutes pour me retrouver. L’épicerie me fait penser à Délivrance et son concours de banjo. On rigole de l’horreur qui arrive aux aventuriers dans la nature. Il y a du café, et pas grand chose à manger. C’est pas grave, il y a un ravito à Troyes.
On y entre par les voies vertes de périphérie de grande ville, larges et lisses, tantôt bitumées tantôt stabilisées. On passe devant les lieux du week end express qu’on avait fait pour faire durer les vacances. C’est raconté là.
Evidemment nous sommes les derniers. Bien moins de la moitié est parcourue en distance et en difficultés. C’est plein de têtes maintenant amies. Chacun explique où et comment il a dormi. C’était bien pour chacun.e. On se rue sur les pizzas, il n’y a plus de sodas, mais ce n’est pas grave. Le mécano regarde ma roue avant et ne veut pas y toucher. Il la croit en carbone. De toutes façons on ne va pas s’attarder une heure, le ciel est menaçant et l’orage va arriver. Ici c’est la ville et un échappatoire pour esquiver par le train. Un choix pour certains.
Je me suis doucement refait la cerise de la surchauffe du matin, et la pause est bienvenue. Le croirais tu ? D’autres repartiront après nous.
Les premières gouttes nous piquent les bras, on déplie les impers. Mais il fait trop chaud et à peine les a-t-on mis qu’on les retire, la pluie semblant s’arrêter.
On tournicote à travers champs avec le soleil qui reprend sa place. C’est pas très roulant, assez usant. Je vois ma roue voilée se dandiner devant moi. Bref l’usure lente du bonhomme et de la machine. C’est beau, je profite un peu en restant concentré sur où je pose mes roues dans le souvenir de l’erreur d’hier. J’ai une petite gène au milieu du mollet. Et en grand hypocondriaque je me serai normalement attardé sur ce point de douleur. Mais là ça va, ça n’a pas l’air de s’aggraver plus que ça.
A l’entrée de Bar sur Seine, on décide de ravitailler et faire une pause. Il fait chaud. La trace passe devant la boulangerie dans le haut du village. On y fait le plein. Quelques cyclos s’y trouvent ensemble.
On va à peine plus loin au fond d’un parking, à l’ombre où sont posés trois de nos amis (Prénoms). On commence à manger quand Thibault et Anne nous y rejoignent.
Bastien a le fondement qui irrite et on redescend le village pour trouver la pharmacie près du supermarché. Cicalfate pour lui, Flextor pour moi, même si je crois encore que c’est un peu superflu. Les pharmaciens à qui on demande comment rouver un point d’eau nous remplissent nos bidons.
Devant nous les coteaux des vignes à Champagne. Les chemins sont propres, entretenus et larges pour le passage des engins agricoles. Ils ont clairement les moyens ici. C’est assez roulant sans difficultés particulières. Sans regarder le GPS je cherche à deviner lequel des chemins qu’on voit au loin à flancs de coteaux on va prendre en espérant que ce n’est pas celui là qui à l’air bien raide.
Effectivement. C’est un en apparence plus facile et il faut bien passer la cote. Les trois me lâchent pour m’attendre au premier sommet derrière un abri de vendangeur. On s’hydrate on souffle un peu. On a chaud, très chaud.
Au virage d’un chemin où j’ai presque tout mis à gauche devant nous se dresse l’Eiger. La neige en moins. Vingt pour cent, pas moins. Vivien et Erwan tente bien jusqu’au premier ressaut, et se rendent à l’évidence ça n’ira pas jusqu’en haut. Pied à terre et poussette. Bastien n’attend pas, et moi pas plus. Je tombe le casque pour ventiler. D’une part je serai incapable de monter ça et d’autre part la douleur au mollet est maintenant très vive. On n’est pas encore à l’étape et il n’y a aucune échappatoire où l’on se trouve. La marche même dans ces conditions est salutaire car sans douleur.
Regroupés au sommet on ne plante pas un drapeau en vainqueur, il y en a d’autres à suivre. La trace contourne le sommet et juste après un champ Pierre Charles est là avec sa table et ses jerricans d’eau. C’est beau, mais c’est dur, et il semble qu’on soit vraiment dans les touts derniers avec quelques difficultés saignantes à suivre. Il doit bien me voir à l’agonie, bien mieux que je ne me perçois. A partir de l’endroit où il se trouve l’alternative est simple. Poursuivre la trace sur quarante kilomètres avec le K2 et l’Aconcagua à franchir après l’Everest sans option par la route. Ou plonger dans l’autre vallée avec quelques kilomètres de départementale stressante mais trente kilomètres de bitume et très peu de dénivelées. La réflexion ne dure pas, j’ai peur que la douleur s’intensifie au point de devoir abandonner au milieu de rien. Je checke la nouvelle trace et Bastien se propose de m’accompagner. De quatre on passe à deux fois deux.
L’alternative plonge entre les vignes sur un bitume lisse et long. Des inscriptions à la peinture blanche traversent la voie comme des hiéroglyphes encourageant les vedettes de la course cycliste locale. C’est écrit à l’envers puisque nous on descend. Le compteur monte à soixante dix kilomètres heures quand une chose s’agite à mon coté. J’ai effrayé une biche qui court à mon coté et doit se rendre à l’évidence, je vais plus vite qu’elle. Elle coupera la route juste derrière moi, devant Bastien. On se laisse glisser au bas de la pente qui redevient progressivement horizontale. Je n’aurai pas du perdre la pince à linge que Bastien m’avait confié. Ceux qui savent, savent.
Je compte kilomètres après kilomètres avec le mollet qui brûle même sans appuyer, juste à tourner les pédales. Interminable, les yeux rivés sur le compteur du GPS qui semble s’être arrêté. Bastien me propose à manger, reste collé à moi, y compris quand je ne roule plus qu’au pas. Au mental comme disent certains. En plus l’hôtel a annoncé une heure limite pour le check-in, je calcule l’heure d’arrivée toutes les minutes. Sur le tronçon dangereux j’essaie de ne pas trainer et l’on doit s’arrêter sur l’aire de repos pour que je souffle, là où des vacanciers avec les vélos sur le hayon font une pause.
A quatre kilomètres de l’arrivée, au bord de la route, un bosquet d’arbres touffus fait l’accueil du cimetière. C’est une vielle borne à eau. A quatre kilomètres on est arrivés, on ne s’arrête pas. L’eau y est très fraiche, on s’arrête, on boit, j’apaise un instant la douleur. Pour rentrer dans Chatillon, minuscule raidard qu’on avale en danseuse trop content d’arriver. Non, je pousse le vélo.
Un rond point, la pancarte de la ville, une bidir en descente jusqu’à la place centrale de cette ville de cinq mille habitants. Au moins, on est là. Le reste on verra après.
Chatillon sur Seine c’est pour les Dijonnais un synonyme de “rien au milieu de nulle part”. Seule kiki de Montparnasse peut se targuer d’y être née mais sa gloire s’est faite ailleurs. Un des hôtels est fermé pour congés.
Le seul encore ouvert n’est occupé que par les participants d’Along. A notre arrivée, deux s’affairent à détacher leurs sacoches de selle et de cadre. le réceptionniste est bougon de devoir travailler. On joue à Tétris pour caler les vélos dans la buanderie.
Je n’arrive même plus à dérouler le pied tant ça me lance, et c’est en éclopé que je monte dans ma chambre, qu’avec des gestes d’une lenteur de grabataire que j’étale mes affaires, me déshabille et prend une douche.
En attendant l’arrivée des deux autres, je regarde les options de transport en commun pour arriver à Dijon. Il y a également la possibilité de faire 40 km de route pour rejoindre Montbard où le TER dessert mieux que les corbeaux. Au pire, je peux appeler et on viendra me chercher de Dijon.
J’en suis là quand Vivien me notifie pour récupérer sa clé. Je clopine de l’autre coté de la place pour réserver une table à la terrasse et sirote un demi en attendant la troupe. Chatillon c’est la dernière vraie ville avant Dijon. Et tout.e.s on choisit de faire étape là. Au bivouac proposé en haut du Mont Lassois, au camping municipal ou dans un AirBNB. Anne et Thibault se cherche un lieu où dormir en dur plutôt que d’aller au camping. On leur propose de partager nos chambres à quatre lits. Ils déclinent et par chance trouveront une chambre libérée d’un des abandons.
On commande les pizzas, je tague le robo pour Tibo, je pique du nez. Erwan a le ventre en vrac de l’effort de la journée et ne mange qu’un huitième de sa pizza à la raclette et à la saucisse de Morteau. Il mettra le reste dans un sachet pour la route demain N’y pouvant plus je file au lit avant qu’ils ne finissent leurs verres.
A six heures moins cinq, cinq minutes avant que le réveil ne sonne je me réveille. La moitié du tube d’anti inflammatoire est passé dans le massage du mollet de la veille, les Doliprane on fait effet. et miraculeusement la douleur a complétement disparue. Sans triomphalisme, je prépare mes affaires.
Les cyclos.as qui ont dormi en ville sont en train de déjeuner devant la boulangerie quand Vivien et moi les rejoignions. On est dans les temps, on partira derniers, mais pas trop loin derrière le paquet. On s’était dit rendez vous sur la place à sept heures, et pas dans dix ans comme Patrick Bruel.
A l’heure dite, le volet de leur chambre est toujours fermé avec une paire de chaussures surement odorante sur le rebord de la fenêtre. Notre message de groupe notifie : “euh, on a du oublié de mettre le réveil, on vient d’ouvrir l’oeil” On en rigole, tous les autres sont partis.
On refait un tour de boulangerie, on a vraiment envie d’un café, et l’hotelier ne fait le petit déjeuner qu’à partir de huit heures. On se met en route pour s’arrêter un peu plus loin au café ouvert et déjà bien plein des indigènes.
Et c’est le vrai départ. L’étape n’est pas la plus longue après les 170 kilomètres de chaque jour précédent, mais elle concentre les trois quarts du dénivelé du périple. Comme c’est sur mes terres, je sais pertinemment à quoi m’attendre.
La Seine qu’on longe depuis Paris n’est plus qu’un vague ruisseau, parfois même difficile à voir sous les roseaux. On monte sur les plateaux des grands champs de blé avec les éoliennes au loin, on traverse des forêts un peu rafraichissantes sur des chemins peu pratiqués, on fait des montagnes russes. Le calcaire apparait sous nos boudins. Celui sur lequel j’ai usé tant de pneus de VTT avec Benoit, Fredo et Babay. Je pense à lui qui nous a quitté soudainement, à Fredo qui a la santé qui chancèle, à Benoit avec son dos cassé par le labeur. Le mur en descente, les disques de frein rougeoyant à son pied, la descente en souplesse sans même une once de peur, le placement du vélo, la glisse des deux roues, la répartition du poids entre l’avant et l’arrière c’est en les suivant que j’ai appris.
Chaque village traversé à son lavoir. On y espère qu’on y trouvera le débit d’une source pour s’y mouiller le jersey et baisser la température. Parfois même un robinet d’eau potable. On reconnait le pont où Brice avait uriné dans la Seine pour envoyer un message aux parigots. Je regrette qu’il ne soit pas avec nous cette fois-ci.
C’est très vallonné, la trace est sur le sentier de grande randonnée plus proche du VTT que du Gravel. Je suis devant dans les singles parce qu’il n’y a que là que je suis vraiment à l’aise et que je peux mener le rythme du groupe.
On passe et repasse au dessus de la Seine. En contrebas, un cri joyeux nous invite à venir se baigner avec eux. On n’a pas prévu l’aquaponey et on file en saluant.
On n’est bien sûr pas très avance, et l’on sait qu’il y a une supérette à Baigneux les juifs. Elle ferme à treize heures trente et on juste le temps d’y arriver.
Dans les bois qui précèdent on rejoint des groupes des cyclistes. Thibault et Anne vont aussi faire le détour d’un kilomètre pour se ravitailler.
On fait la razzia sur tout ce qui nous fait envie. Croque monsieur froid, Gougère, Eau pétillante pleine de magnésium, sodas, chips, et quatre magnums glacés double chocolat. Au pied du mur du cimetière devant la paroisse on déguste notre butin. Nouvelle douche au robinet du cimetière, remplissage des bidons. Mon GPS a affiché jusqu’à 42 degrés en plein soleil.
Rassasié, reposé, réhydratés, on file en diagonale pour retrouver la trace.
Ma roue avant a perdu de la pression. En contournant une souche dans un dévers, je déjante et la roue se dérobe. Les deux pieds se décrochent des pédales et je saute du vélo qui se couche en restant debout. Même pas peur, même pas mal. Le préventif a trop séché, et c’est en mettant de l’eau qu’on découvre que la perte est au niveau de la tringle et que ça ne colmatera pas tout seul. Je mets une chambre à air.
Le GPS ne se stabilise pas bien et on a l’impression d’être en dehors de la trace. D’autant que ça monte fort à devoir pousser à pied. On stop, on redescend pour vérifier. C’est bien là, on remonte en poussant.
Et c’est l’arrivée au point tant attendu. La source de la Seine avec son jardin propret, ses bancs et son monument comme aux buttes Chaumont pour recréer un artifice de nature, en pleine nature.
Erwan traverse le fleuve à la nage.
Les sources de la Seine c’est le but mais c’est loin d’être l’arrivée.
Je suis cuit par les kilomètres, les cascades, les heures de selle, la fusion par le soleil. Les fesses sont irritées et le point de douleur revient de temps à temps. Et puis j’entre sur les lieux qui ne sont que des balades de la demi journée, je connais chaque paysage pour ne pas dire chaque caillou. je connais la bavante des kilomètres de canal à l’arrivée qui réjouit tout.e.s celleux qui le découvrent et qui me nécessite un effort pour trouver l’endroit toujours joli.
A Bligny le sec, je les lâche. Je ne prendrai même pas la trace alternative qu’a préparé Pierre Charles pour ceux qui auraient présumés de leur force. Les fameuses traces JPP.
Panges, Paques et sa longue descente de 11 kilomètres pour arriver pile à l’entrée de l’agglo. Là c’est vraiment la fin du périple. Je suis arrivé au bout sur mes roues. Pas dans le purisme de la trace certes, mais peu m’importe.
On est partis ensemble, et on arrivent ensemble.
Je les attends une bonne heure sur la voie cyclable à l’entrée du lac. Je me remémore ces instants hors du temps, j’envoie le résumé rapide du jour aux potos des réseaux.
Entre les cyclo promeneurs de ce samedi de fin d’après midi, les raymond qui s’éloignent de la ville à la fraîche sur des vélos étonnamment propre passent quelques un de celleux qui ont vécu leur aventure. Les sourires partagés sont larges. Ils filent vers la ligne d’arrivée toute proche.
Mes trois compères arrivent. Ils ont fait des relais à plus de 35 km/h sur le canal. Je n’aurai pas pu suivre. Je guide le cortège sans un regard au GPS.
Port du Canal, la rampe du boulevard Kennedy où beaucoup se croient sur un circuit auto, on contourne le gymnase. Dehors des tablées pour tous et ils sont là toutes et tous nous félicitant de leurs bravos. Certains sont déjà douchés et plusieurs bières sont descendues.
Pierre Charles nous remet quelques babioles et la pression. Le food truck nous sert un succulent hamburger et on reste aussi longtemps qu’on peut comme si on souhaitait que jamais ça ne s’arrête, et pourtant fourbus, soulagés que cela soit fini.
Je colle de partout, je suis fatigué mais je suis heureux. J’accompagne Vivien pour traverser la ville vers son AirBnB à deux patés de maison de chez moi. Bastien dors chez son beauf, et Erwan a trouvé refuge chez une anar syndycaliste qui fait du warmshower.
Le vélo est posé dans la cave, je retournerai le voir demain. Je monte lentement les trois étages, et la porte s’ouvre avec des bisous au vainqueur de lui même.
Les groupes de messagerie bruisseront encore le dimanche et le lundi jusqu’à se calmer totalement.
Dans les trop brefs échanges qu’on a pu avoir avec les autres participants j’en ai entendu un dire que ce n’était pas assez “gravel”
Evidemment avec cette seule expérience je n’ai pas vraiment d’éléments de comparaison objectifs. Et pourtant je suis convaincu qu’Along est l’essence même de ce que l’on doit y trouver. Une histoire logique, celle de la remontée d’un fleuve, au plus près d’icelui, quelque soit le terrain. Un voyage naturel avec tous les terrains de chemins comme ceux autrefois parcourus par les colporteurs médiévaux. On y trouvera forcément des cailloux de toutes les tailles, du sable liquide aux caillasses grosses comme le poing, des passages naturels escarpés. Tout cela loin des boucles aseptisées des gravel sportives où seuls comptent les kilomètres et les dénivelés fussent ils dans de grandioses paysages. Je n’aurai certainement pas eu envie de nous retrouver trois cents sur la ligne de départ et les voir trépigner à l’idée de leur classement.
Along c’est la gentillesse de Pierre Charles, son attention pour chacun.e, sa présence aussi rassurante qu’inopinée aux endroits aussi inattendus que nécessaires, une trace parfaite autant qu’exigeante, et la liberté de nous laisser profiter de ce voyage savamment concocté. Un job d’artisan fait main ou plutôt à la pédale, qui confine à l’art.
Chacun chez Along aura vécu sa propre aventure à coté de celle de l’autre. Différente et pourtant partagée.
Avec des niveaux d’expériences très hétérogènes.
J’y ai appris une masse de chose qu’il me faut digérer avec déjà l’envie de la suivante.
Seine River Trail en intégrale ?
Merci Pierre Charles,
Merci mes trois compagnons d’échappée belle
Merci à tous ceux qui ont vécu leur aventure avec nous