Le vélo est le nouveau romantisme (Ep.46)

Dans les limbes
4 min readMar 17, 2024

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La procuration

Fiche des temps de passage au Paris Brest Paris 2023 de l’ami Philippe

Il est des choses dont par obligations, impondérables ou parfois la simple flemme on confie le soin à d’autres. Seul le résultat compte et celui escompté n’est pas toujours au bout.

Nos écrans sont remplis de ceux qui partagent leur passion. Sur les plate-formes de diffusion vidéo c’est à foison qu’on trouvera le voyage au bout du monde ou au bout de la rue.

Je conçois que cela puisse constituer une carte postale numérique envoyée à sa famille, un souvenir qui ne tiendra que jusqu’au changement des conditions générales du site qui l’héberge. N’est pas l’as du montage qui veut et le plus souvent, le visionnage produit à peu près le même effet que le générique de fin de programme d’Antenne 2 de Jean Michel Folon. Les plus jeunes, je vous laisse chercher sur votre moteur de recherche préféré.

Il y a également les influenceurs de la discipline que vous préférez : vélo urbain, route, compétition, tout terrain, ultra ou gravel. Il y en a pour tous les goûts. Souvent divertissant, parfois instructif, on peut imaginer peupler ses rêves avec ces capsules poussées par l’algorithme de nos envies. Et puis comme elles sont sponsorisées, on récupère le code promo pour acheter ce qui nous fera leur ressembler.

Ne nions pas que cela nous inspire pour une prochaine aventure, bien que celles présentées nécessiteraient quelques mutations génétiques, un temps certain que nous n’avons pas, et encore moins le camion qui comme par magie dépose quinze vélos à tester dans un lieu enchanteur.
Bref on ne se projette pas.

L’ami.e qui part sur un challenge chronométré, loin et longtemps , totalement inaccessible pour soi nous aura donné le lien du Dotwatching de l’épreuve. J’aurai mis son dossard en favori et dès que j’ai un moment de libre je m’assurerai de sa progression. M’inquiétant si le point sur la carte reste trop longtemps immobile. Poussant un ouf de soulagement en comprenant que le lieu est propice à un court repos. On le, la remerciera chaudement de son partage même pas consenti à l’issue de l’épreuve. C’est une obligation de l’organisation. En retour nos messages de soutien imaginant les difficulté et les plaisirs devinés sur la carte lui auront redonner la force de poursuivre dans un moment de découragement. Nous sommes les fans x.0 de nos role model. C’est exaltant mais là aussi difficile de se projeter. En tout cas pour l’instant.

Et puis, il y a le quidam qui part à son aventure, qu’il soit seul ou en groupe, jamais je ne perçois ses partages comme un “nananère regarde ce que je fais et pas toi”. Il est à sa joie, à sa peine aussi pour gagner ses horizons, ses rencontres avec son ami vélo. Iel me parle comme à chacun de ses abonnés sans s’adresser à moi. Je reconnais l’émotion qui m’étreint quand je me trouve à sa place dans des univers comparables. Ceux que je peux aller explorer et l’on se donne l’envie d’aller s’y rendre pour communier à distance de nos écrans et du temps.

Les photos smartphoniques du grandiose panorama qu’iel nous propose ne lui rendent jamais hommage. Le capteur CMOS ne saura jamais retraduire l’immensité qui nous fait face ni la montée pour la découvrir, ni le corps qui tremble encore de l’effort quand au détour du chemin se révèle à nous ce que l’on est allé chercher. Souvent il faudra imaginer de la photo du vélo sur un appui à la pause, ce moment d’accomplissement conscient. Celui où l’on partage la beauté des lieux parcourus avec ses compagnons.

Il n’y a pas même besoin de les poster du désert de Gobi pour qu’elles fassent ma joie. La découverte derrière sa maison, au cours d’une balade d’après midi suffit à me transporter. J’ai un faible pour leurs voyages. La plus longue quête qu’on suit comme son propre feuilleton, par procuration. La longue route c’est ma méditation et celles que me propose les réseaux d’amies connus ou virtuels me procurent l’évasion qui me fait patienter avant ma prochaine “aventure”, alimente l’envie d’ailleurs, pousse à passer de longues heures à scruter les cartes et s’y préparer. Bientôt j’y serai aussi. Juste pour moi.

Aussi quand je vous partage mes images n’y voyez qu’un juste retour, un remerciement de ce que tous les autres m’ont offert. Peux être cela vous donnera-t-il l’envie de rouler ensemble, et j’en serai plus que ravi.

Roulez beau, roulez loin, roulez comme vous voulez, je file j’ai un peu de doomscroll en retard.

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