Le vélo est le nouveau romantisme (Ep. 24)

Inutile de se casser les dents

Je ne bascule pas du coté Raymond de la Force, mais force fait loi, et les nombreux échanges que cela a provoqué sur l’oiseau bleu m’invite à vous faire part de cette incroyable découverte. Je pensai être le seul à ne pas savoir, et je découvre que même d’expérimentés cyclistes ont des pratiques empiriques manifestement inadaptées. La suite va vous étonner.

Je dois vous l’avouer :
“ Ce fut comme une apparition :
Elle était assise, au milieu du banc, toute seule ; ou du moins il ne distingua personne, dans l’éblouissement que lui envoyèrent ses yeux. En même temps qu’il passait, elle leva la tête ; il fléchit involontairement les épaules ; et, quand il se fut mis plus loin, du même côté, il la regarda.”

Pas tout à fait, en fait ou presque. Mon éducation cycliste est très sentimentale, vous l’avez compris si vous avez lu quelques autres épisodes.
En vérité, j’échange, j’apprends beaucoup avec vous, et avec Fred en particulier. Vous le trouverez sous le pseudo de LittleBigFred.
C’est mon maître Jedi, un puits de science cycliste, avec une expérience et des ressources insoupçonnables. Malgré mon entêtement de padawan, je me rends compte à la fin que : “raison, toujours il a !”

Alors je vous livre à ma façon mon tuto plaisir et beauté du geste. A moi, les followers d’EnjoyPhoenix, les abonnés instas de Justin Bieber, et la première place dans le palmarès de l’influence numérique. Que nenni, le témoignage des quelques ceux qui ont plaisir à me suivre suffit à mon bonheur.

Ces prolégomènes étant achevés venons en au fait.
Mon vélo de randonnée à trente vitesses théoriques. Dix pignons à l’arrière, trois plateaux à l’avant. La chaîne relie les plateaux à la cassette de pignons.
C’est bon vous visualisez ? On parle de vélo, pas d’Yves Montand et de la cassette de Louis de Funès, bien que parfois il me vient une folie de grandeurs.

Il y a des combinaisons peu recommandées. Les maillons de la chaîne souffrent de ne pas être alignés avec les dents des pignons. Et faire souffrir une chaîne c’est mal.
Dans le dessin ci dessous, tu as les plateaux et les pignons vu de dessus, sans la chaîne. Tu noteras ami lecteur que sans le cadre ni les roues ça ne fait pas un vélo. Un jour on s’intéressera aux freins.

Version de Farid si tu n’as toujours pas compris, il a mis la chaîne.

Si tu n’y es toujours pas, je te recommande l’achat d’une draisienne.

A ce stade, où tu as reconnu les pièces de ton vélo, tu as gagné le droit de t’en jeter un, et si tu t’es aperçu que ta chaîne était bien sale, abonnes toi illico au compte twitter de BikingUnicorn, qui te dira quand et comment en prendre soin.
Monte sur ton vélo, sur une partie plate, mets la chaîne tout à droite (grand plateau, petit pignon) et sent comme tu dois appuyer fort pour avancer. Arrête de pédaler, et sur l’élan mets la chaîne tout à gauche (petit plateau, grand pignon) et tu ne sens plus aucune résistance, tes pédales tournent à vide et tu n’avances pas. C’est désagréable comme sensation, non ?

Allez on reprend, et bientôt tu sauras exhiber toi aussi le tableau cabalistique qui illustre ce billet. Tu feras partie intégrante de la confrérie de la chaîne HIper-efFIcace.

Compte les dents de chaque pignon, et de tes plateaux, va chez Sheldon Brown, et remplit son tableau.
Uniquement les cases entourées, le reste à ce stade n’est pas d’utilité.

Cliques sur “calculate”, et laisse l’algorithmie quantique faire le reste du travail.

Tu obtiens ça, enfin, moi j’obtiens ça parce que c’est pour mon vélo, et que j’ai pas compté les pignons, j’ai juste regardé la référence de ma cassette Chimano, et internet m’a donné le nombre de dents de chaque pignon. Pour les plateaux c’est écrit dessus. Si t’aimes bien compter, ne t’en prives pas. Ca peut aussi occuper tes enfants, si t’as besoin d’être tranquille pour faire autre chose.

Je te le fais un peu plus propre, les pourcentages ne nous intéressent pas ici.
Ca donne ça :

Ne cherche pas à comprendre ce que signifie les valeurs en noir, je serais obligé à de longs développements et ça nous emmènerait dans des calculs de πD, de pression de pneu et d’âge du capitaine. C’est pas le but ici, y a plein de Raymond qui ont fait des sites super bien pour savoir en combien de temps la baignoire se vide ou à quelle heure arrive le train.

A la croisée des textes rouges, un pignon pour un plateau, mieux qu’un pigeon sur un plateau tu as donc une combinaison de vitesse. Je sens que je peux t’avoir un peu perdu.
Sors des crayons de couleur, rappelles tes enfants, montre leur le dessin de Farid (plus haut) et fait leur colorier les combinaisons pas recommandées.
NDLR : je colorie avec Excel parce que si je le fais avec mes doigts gourds, ça déborde.

Revenons aux sensations parce qu’au fond c’est de cela dont il s’agit. Tes cuisses qui chauffent, ta respiration qui s’accélère, ta vitesse qui choit dramatiquement, et que bon sang t’es pas encore arrivé. Ceux qui affrontent les buttes de Sceaux et de Fontenay aux Roses sur la Coulée Verte savent de quoi je parle. Tu ressens la même difficulté quand la route s’élève juste un peu. Souviens toi également que quand tu veux faire monter la chaine sur un pignon avec plus de dents que le précédent, ça revient à tirer le câble avec la manette. Tu pousses avec le pouce si tu as des gachettes ou tu fais tourner la poignée vers toi. Tu sens que ça résiste. Pour descendre la chaîne, tu détends le câble et c’est plus facile.

Retourne sur ton terrain plat, mets toi sur le plateau intermédiaire. Et expérimente juste de changer les pignons avec la poignée de droite. Si tu ne sens rien, je te recommande l’achat d’une trottinette.

On est d’accord que rien n’est bon qui ne dure ? Pour cela, tes pédales tournent à la vitesse où tu te sens bien, et l’appui sur les pédales est juste comme il faut. Le professionnel te recommandera de mouliner. Appui faible, et forte vitesse de rotation, mais c’est parce qu’il moud son café à la main, et que toi t’as beau être un bobo-écolo tu bois encore du Nespresso.
Encore une fois c’est affaire de sensation, chacun trouvera son plaisir où il veut. Ce qui est sûr c’est qu’appuyer très fort en tournant tout doucement, tu ne tiens pas longtemps, et tourner très vite sans résistance, tu t’essouffles et tu n’avances pas. Rappelles toi tu as essayé tout à l’heure.

La question qui a taraudé les amis de la cyclosphère c’est : quand doit-on changer de vitesse, c’est à dire de pignon ou de plateaux. Et plus encore, pourquoi changer de plateau.
Ne réponds pas “quand ils sont usés”, parce que faire de l’esprit ça distrait l’auditoire et ça les déconcentre aussi, et tu comprends qu’on va rentrer dans le dur.

Remontes sur ton vélo, sur un terrain plat et qui ensuite commence à monter.
Une fois lancé, la chaîne sur le plateau intermédiaire, et le pignon qui te convient, pour pédaler à l’aise. Pour l’exemple, tu es là :

Ça commence à monter, tu ralentis, tu dois appuyer plus fort et tes manivelles tournent moins vite. Tu changes de pignon avec la poignée de droite pour un plus grand. Ça t’amènes là, et tu repédales à l’aise :

La pente se raidit de plus en plus, et tu continues pour retrouver un rythme soutenable. Tu changes encore deux fois de pignons en poussant la gâchette. Tu arrives là :

Jusque là tu as réussi à tenir un rythme sans à coups au moment où tu changes de vitesses. Ça monte toujours plus fort, et tu n’es pas encore arrivé en haut. Il te reste deux pignons à monter.

Mais ce n’est pas conseillé. La chaîne sera de travers, elle frottera sur les autres pignons, et cela favorise un éventuel déraillement. Donc il faut changer de plateau.

Main gauche tu détends le câble, pour un plateau plus petit. Si tu t’en contentes, tu arrives là :

Tes pédales se mettent à tourner dans le vide, tu ralentis davantage, et tu halètes de douleur. Remontes un peu dans le tableau et regardes les nombres dans les cases.
Tant que tu restais sur le même plateau, changer de vitesses a fait baisser la valeur de la case de 0,3 puis 0,3 et enfin 0,4. Je ne développe pas plus, ce qu’on doit comprendre c’est qu’un changement de vitesses doit se faire avec la plus faible différence de valeur possible.

Au changement de plateau, tu descends directement de 0,8. C’est pas bon, ça fait mal, et on n’aime pas ça.

Question : sur le petit plateau quelle est la valeur inférieure à 2,8 et la plus proche ? C’est 2,5 !

Donc si tu changes pour un plus petit plateau, tu dois aussi changer de pignon.

Attention, c’est là que ça devient magique et réflexe assez rapidement.

Tu étais sur le plateau intermédiaire et le pignon de 26.
Tu mets un plus petit plateau et pour cela tu relâches le câble du dérailleur avant d’un cran.
Tu dois te mettre sur un pignon plus petit, tu relâches le câble du dérailleur arrière de deux crans.

Ca monte toujours plus fort. Tu retends le câble de dérailleur arrière pour utiliser les plus grands pignons autant que nécessaire.

La pente se radoucit mais monte toujours, sur le petit plateau, tu peux reprendre des pignons plus petits. Tu pourrais aller jusqu’au pignon de 17 (valeur 3,1). Et ça redevient plat, tu dois changer de plateau.

Changer de plateau, pour un plus grand c’est tirer le câble de dérailleur avant sur la poignée de gauche. Si tu le fais sans changer de pignon, tu passes de 3,1 à 4,3.

Essaye c’est insupportable. Tu t’arrêtes net. Et tu dois donc changer de pignon.
Le plus progressif c’est le pignon de 23 (valeur 3,2) mais trop proche des 3,1 où tu es. On choisit donc le pignon de 21 (valeur 3,5).

Chance à nouveau, changer de plateau pour un plus grand tu tires le câble d’un cran.
Se mettre sur des pignons plus grands pour retrouver un étagement progressif tu tires le câble de deux crans.

Résumé à ce stade : quand tu changes de plateau c’est un cran de manettes et en même temps deux crans de pignons. Dans le même sens pour les deux dérailleurs avant et arrière. Tu relâches, ou tu tends les deux câbles.

Mais comment se souvenir de tout ça d’autant que tu dois changer de plateau pour ne pas arriver dans les combinaisons rouges ? Parce que si tu attends d’être tout près de la zone rouge tu dois passer :

• du petit plateau à l’intermédiaire quand tu es sur le pignon de 17
• du plateau intermédiaire au grand plateau quand tu es sur le pignon de 15
• du grand plateau à l’intermédiaire quand tu es sur le pignon de 23
• de l’intermédiaire au petit plateau quand tu es sur le pignon de 26

Tu comprends mieux pourquoi les cyclo-sportifs sont dopés ? C’est pas pour les muscles, c’est pour les neurones.

Alors comment faire pour s’en souvenir ?
Il suffit de changer de plateau plus tôt. C’est curieux, mais c’est une rime riche et rien que pour ça c’est beau.

Tu utilises les deux mêmes pignons quel que soit le plateau que tu changes :

Celui de 17 et de 21 (ou 19 et 23). Ça marche à la montée comme à la descente des vitesses. Et pour bien voir où ils sont j’ai marqué la manette des pignons, celle de droite sur le guidon.

Je n’utilise plus que trois vitesses sur le plateau intermédiaire. Sept sur le petit plateau, et six sur le grand plateau.

Le changement de plateau devient réflexe avec en même temps deux pignons et toujours le même sens sur les deux gachettes. Tirer ou relâcher.

C’est curieux et diablement efficace, j’absorbe les différences de pente sans à-coups, sans forcer en gardant une vitesse quasi constante.

Ne m’en voulez pas quand je vous suis sur la coulée verte et que je regarde fixement vos lignes de chaînes. Que je souffre avec elles de les voir si tordues.
De vous voir appuyer durement sur les pédales en avançant comme des tortues. J’aurai voulu vous dire qu’on peut faire autrement.

Et finalement, je comprends que cela n’est pas si grave, et que tant que vous y prenez du plaisir faites comme bon vous semble. Alors je vous dis : Je passe à gauche, et je file.

J’en conviens ce billet a des cotés rébarbatifs et quelque peu donneur de leçons. Je m’en excuse, et serai ravi d’avoir les commentaires des pros, des vrais, des purs. Vous pouvez même m’inviter à diner un mercredi soir, je viendrai avec François Pinion et ses momuments en allumettes.

Lâchez vos com’s comme on disait dans les Skyblog.

Et pour les autres, retrouvez mes billets avec des vrais morceaux de véritable passion dedans.