Le vélo est le nouveau romantisme (Ep. 25)
Rassemblement !
Ami lecteur, amie lectrice, je dois te l’avouer je n’ai pas l’instinct grégaire ni l’esprit de bande bien qu’il m’ait été donné de participer à certaines. La solitude est ma nécessité, et j’éprouve le besoin de la retrouver bien souvent.
Le vélo est d’abord un onanisme. On se fait du bien tout seul, quelque soit son parcours, sa motivation.
Au matin, ou au soir dans la nuit, je n’aime rien mieux que ces moments de solitude, où quand ma route se calme, que je me sais sur des portions où l’attention peut se relâcher un peu, je savoure l’instant.
J’observe les irrégularités de mon pédalage, les bruits du vélo qu’il faudra corriger au prochain entretien. Je regarde au loin sur les côtés. J’écoute l’air qui file à mes oreilles.
En descente, je parfais mes trajectoires, j’approche la limite d’adhérence de mes pneus sur-gonflés. Les roues se dérobent parfois, et je rattrape l’équilibre en souriant.
Sauf à rouler en tandem où en Pino Hase, le vélo est bien une activité individuelle. Avancer ne dépend que de soi, de son envie, de son pédalage. A l’assaut d’une côte qui n’en finit plus, un ami plus en forme te poussera quelques mètres en pédalant à ton coté. Un réconfort psychologique bien plus qu’une véritable aide, qui ne durera pas assez longtemps pour te redonner le souffle et les cuisses qui te manquent.
Il y a dans la velosphère une joyeuseté qui me sort de l’ermitage, une envie irrépressible de communier et je le confesse, le doux plaisir de nous retrouver un moment me réjouit dès l’annonce du rendez-vous. L’appel se fait sur les réseaux, où en papotage au feu rouge avec les congénères.
Je n’ai pas pu ou su aller à tous, mais tous m’ont fait envie, j’en conte certains au travers de l’iconographie que propulse la toile, et vous ne m’en voudrez pas si je n’accède pas à tout leurs sens.
L’apéro est une activité essentielle, le vélo est le meilleur moyen pour s’y rendre.
Un excellent alibi également.
Dès le printemps, les voies sur berges et le Café Danielaà son alignement de tables réservées, où l’on profite des flots de la Seine. On s’y précipite désenfourchant son vélo à moitié, debout sur une seule pédale, l’autre jambe croisée derrière, on attache à la va-vite son engin à la balustrade et en prenant à peine garde au flot que l’on traverse, on monte les marches vers la flopée de sourires qui vous reconnaissent.
Après moultes excuses, on repart mollement au regret de quitter l’instant savoureux. On accélérera plus tard en cherchant l’excuse fallacieuse de son retard. Au débotté de l’apéro lancé le matin même, dont certains n’arrivent pas à résister quel que fût leur programme du soir, d’autres préfèrent rouler ensemble.
N’évoquons pas ici les BRM et autres joyeusetés quasi sportive, quoique lorsque j’écoute Philippe, ce collègue qui les a enchainés jusqu’au Paris Brest Paris, et me raconte comment ils se soutiennent mutuellement dans la douleur, je me souviens de ces sommets gagnés, de ces cordées insécables.
L’asso vélo de mon secteur a une imagination débordante pour découvrir en quelques tours de roue, des lieux préservés et des parcours propices à la déambulation cyclable. Il y a parmi eux une guide conférencière, un couple dont c’est l’activité que de proposer des parcours guidés. A nous retrouver pour visiter une merveille d’architecture, la beauté insoupçonnée de nos villes alentour, le chemin est radieux au rythme des plus lents. On s’arrêtera toujours un instant pour régler un frein, ou réparer une crevaison, tous s’affairant rapidement comme un arrêt au stand de formule un. On s’attendra dans la montée par petits groupes et sur les hauteurs de Meudon, à l’observatoire on prendra le temps de souffler en contemplant la ville lumière.
On terminera souvent à table, fusant d’idées pour la prochaine fois.
Avec les mêmes on partira en velobus, guidant les néophytes. Bien moins facile de discuter dans la circulation, bien que les occasions de rouler côte à côte se trouvent pour partager son plaisir.
A l’été c’est l’heure des grands rassemblements : Vélotour, Convergence, Vélorution où chacun prendra soin d’apprêter sa tenue et son vélo. Dress code coloré de rigueur, sonnettes sonores et drelin drelin sur chaque cahot de pavé. on n’y avance encore moins vite, mais on s’y sent si bien tous ensemble à fêter ce qui devrait être quotidien.
Circuler à vélo est encore un acte politique.
Aux plus populaires, et selon ta sensibilité, tu iras à la Bike War, un rassemblement post apocalyptique avec des Mad max à pédales, et des gerbes d’étincelles. Ou tu te mêleras aux loulous de banlieues londoniens à la BikeStormz où tu montreras tes talents en wheeling. Je te laisse noter dans ton filofax la date des prochaines éditions.
Les dandys nostalgiques ne sont pas en reste, et si tu te languis de porter ton pantalon de tweed, cirer tes bacchantes, alors remplis ton panier d’osier d’une boutanche de rouge au coté des verres à pied soigneusement sanglés de cuir et le long d’un canal à Musette tu revivras des années folles, le début des congés payés et l’allégresse de la fin de la guerre. Au choix.
Attention, aucune faute de goût n’y est pardonnée, et ne t’avises pas de venir avec une monture avec les vitesses au guidon et pas plus de mettre un cuissard en lycra.
Tu auras, peut être juste le droit d’immortaliser l’instant avec ton NailleFone, et seulement au format carré, reprise moderne du 6X6 argentique.
NDLR : j’ai un Hasselblad en état de fonctionnement.
Il y a ce moment étonnant découvert au travers ce mot-dièse mystérieux :
Meilleur Moment du Haut Wapiti.
Ils vont parcourir des centaines de kilomètres dans la journée pour rassembler les tribus vélocypédiques autour d’un verre. La randonnée n’est que dans ce but, un peu comme Apollo rencontrant Soyouz en orbite terrestre.
La journée s’écoule au gré des rapports twittesques avec le hashtag dédié. on se rassure mutuellement qu’on sera au rendez vous, on fonce à distance vers l’autre pour trouver son sourire et lui offrir le sien. Raconter ses chemins contrariés, justifiant qu’on a roulé plus que l’autre en rigolant, comparer ses compteurs. “Oui mais j’avais oublié de le remettre à zéro en partant”.
Rentrer. Par le train pour certains.
La rencontre à mi-chemin (Meet Me Half Way, #MMHW) je la fais plus souvent sur un point de la coulée verte et elle me procure autant de joie qu’après cent cinquante kilomètres.
Quoique tu choisisses, il y a matière à partager.
Alors à ce gars qui part tout seul sur son vélo, j’ai eu envie de raconter, mais j’étais déjà en retard et raterai la première tournée et j’ai filé rejoindre mes potes