Le vélo est le nouveau romantisme (Ep. 43)

Dans les limbes
4 min readMay 26, 2023

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Les cyclos, comptez vous !

Point ne sera besoin d’avoir suivi de longues études scientifiques pour comprendre cet algèbre.
Il ne s’agira que de tenter de résoudre l’équation du bon nombre pour partir à vélo.

Par dizaines de milliers à la convergence francilienne où pareille à la holi des indiens, les branches colorées se retrouvent en un joyeux mélange au cœur de Paris. De la branche rouge avec un gilet bleu, affairé à sécuriser les intersections, expliquer la patience aux passants empêchés par le convoi ininterrompu de traverser la chaussée, l’expérience n’a probablement pas eu le goût qu’elle doit avoir et ne la réitérerai probablement pas.
A l’arrivée, l’embouteillage de vélos est monstre et longtemps nous restons à l’arrêt avant de pouvoir enfin atteindre l’esplanade.

Par centaines, je ne l’ai fait qu’exceptionnellement et souvent dans le jura.
Le souvenir qui reste à chaque fois, c’est le départ. En tas, alignés, certains trépignants, moi toujours fébrile. A VTT, en gravel, sur la route pour arriver à l’autre bout sous le regard du chronomètre. L’excitation est générale et sans que tu ne puisses faire autrement, tous partent trop fort, trop rapides.
Ma collection de reliques souvenir contient la plaque numéro ou la médaille offerte aux finishers.
De la masse du départ il se forme quelques grappes et dans celle où l’on se trouve un instant on socialise courtoisement en se toisant.
Du reste, ce ne sont que les amis avec qui on s’est alignés avec qui on rigole vraiment, on s’encourage sincèrement. Et les centaines ne se résument en fait qu’à un bruit de fond autour des trois ou quatre qui se connaissent déjà.

A quelques dizaines c’est déjà moins la cohue, et s’il s’agit d’une balade on s’inquiète surtout à ne perdre personne. Les cyclistes comptez vous. Le rythme est celui du plus lent, et on profite du paysage.

Deux douzaines, et déjà on arrive presque à identifier chacun et chacune, en tout cas à saluer tout le monde avant le véritable départ. Sur la photo de groupe on distingue tous les participants sans difficultés.

C’était au club cyclo de mon oncle quand j’étais ado. Plus récemment sur les sorties dont on me demande pourquoi on s’est lancé dedans.

Gravel de nuit avant Noël par moins dix degrés, aller voir les phoques en baie de somme au solstice d’hiver, et autres moments à ne pas mettre un cycliste dehors. Je n’arrive pas à garder un rythme constant et me balade dans le groupe, devant, derrière, au milieu. Je ne relance pas assez comme il faut pour poursuivre la conversation.

A trois ou quatre je me sens déjà un peu mieux, la pause que je demande est plus facile à atteindre, les régimes de vitesse et alimentaires sont tout de suite plus compatibles, les dépannages sont vite assurés, le couchage plus simple à organiser, et enfin on peut jouer à la belote.

A deux, c’est véritablement ce que je préfère. Parce que cela ressemble furieusement à la cordée de montagne.
Dans les expériences de longue distance que je découvre, il y a une fraternité pareille à celle que j’ai connu en courant les sommets.
Je peux porter toute mon attention à l’autre en étant sûr qu’il en fait autant pour moi.
Il n’en demeure pas moins de longs moments d’introspection en silence, quand l’un s’est éloigné un peu ou au contraire quand on suce la roue concentré à garder le rythme sans risquer la collision. Et parce que l’émerveillement du paysage s’effectue en symbiose

A deux aussi pour un tour imprévu autour de chez nous, et qu’il n’y en a qu’un de disponible pour l’après-midi.

A deux enfin, parce c’est souvent avec Elle, avec qui je vis depuis si longtemps. Parce qu’elle le veut, parce que oui t’exagères c’est trop dur, oh non c’est trop long, et je veux voir la trace avant de partir pour savoir combien on doit monter. Parce qu’avec elle au soir venu, quand elle s’allonge sur la toile étendue dans l’herbe, pendant que je m’affaire à dresser la guitoune et nos couchages, à faire siffler le réchaud de la frugale collation, à éplucher un fruit juteux d’été pour dessert, dans ce moment où les mots sont superflus, alors nous sommes ensemble. Et c’est de cela qu’est fait notre amour.

Seul, par nécessité pour le vélotaf et parce que je ne vois pas ce qui pourrait vous faire envie de venir au boulot avec moi. Je m’offre aux beaux jours des détours au retour et divague dans les rues le nez à humer l’air du temps.
Parfois je vais un peu plus loin hors des pratiques utilitaires pour aller tester un réglage, la tenue des tubeless, ou la nouvelle cassette mais l’attention est toute à la sensation, à l’écoute du bruit anormal, au fonctionnement de la machine. Et je ne profite pas pleinement du moment.
Il ne m’est pas venu l’envie de partir seul au loin. J’ai besoin de partager et construire mes plaisirs sans onanisme.
Aussi, quand je suis les périples au long cours des amis, je comprends la plus grande facilité aux rencontres, la simplicité des changements d’itinéraire ou du coin à se nicher pour dormir. Ne dépendre que de soi même est une belle chose, et m’y emploie autant que faire se peut. Et puis surement parce que je suis trop fainéant tout seul pour me motiver à aller jusqu’à l’étape et m’engager pour des dizaines de kilomètres avec ma seule compagnie.

Zéro ! Ça, ce n’est absolument pas possible, il faut toujours partir faire un tour à vélo.

Vous préférez partir à combien ?
Je file je ne sais pas combien nous serons aujourd’hui.

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