Le vélo est le nouveau romantisme (Ep. 44)

Dans les limbes
3 min readMay 26, 2023

--

Se laisser emmener

Partir après avoir longuement imaginé son chemin, ses destinations, ses arrêts, en rêver avant de s’y engager. De ce sentiment de s’être fait, il ressort un contentement, une liberté sublimant les plaisirs des heures de selle.

Pendant des heures avoir affiné sa trace sur les outils numériques ou sur les tracés des routes en blanc des cartes du Bibendum pour s’assurer de sa tranquillité, et l’aventure se déroulant, compter les kilomètres, sentir en vérité ce que l’on a prévu, se laisser surprendre. Parfois aussi, par négligence se retrouver mal embarqué sur le tronçon pareil à une autoroute.
La réalisation s’avère parfois plus dure que les courbes de niveaux auscultées à l’écran bien avant. Et c’est sûr qu’on se jure de ne pas s’y laisser prendre à nouveau.

Et puis, il y a les internets malins comme le diable qui t’adressent des invitations où d’un clic, trois sous validés par l’authentification à deux facteurs pour bien te faire comprendre que tu avais le choix et te voilà embarqué dans l’aventure d’un.e autre.
Avec ou sans chronomètre, avec ou sans assistance, avec un lit douillet ou un pré, avec ou sans trace, mais surtout avec l’envie de t’offrir une belle expérience.

Iel aura préalablement parcouru la trace qui à ce stade n’est pour toi que théorique. On te donnera un autocollant, un tee shirt une gapette ou un jersey, un mug éco-responsable qui feront déborder ma boite à souvenirs.
Au départ, on te donnera les consignes de prudence, éventuellement on t’encouragera si tu va élargir tes limites, que tu t’es engagé dans la fenêtre d’Overton de ce que tes muscles n’ont pas encore eu le loisir d’endurer.

Cette sensation de se laisser porter m’est curieuse, et je jouis un peu honteusement de ce sentiment nouveau. J’étudierai la trace fournie sans le luxe de détails que j’ai quand je la trace pour retrouver un peu de la liberté qui me sied mieux. Juste le profil altimétrique et les difficultés que l’on nous a préparé. Il est des organisations où le parcours ne t’est dévoilé qu’au point de rendez vous.

De toutes sortes, de tous dépaysements, de la sortie de l’asso du coin à la traversée d’un continent il y en pour tous les goûts, tous les vélos, toutes les expériences. Alors on joue à se laisser surprendre par les voies, les paysages, les villages ou les villes traversées, éventuellement on s’échappera un instant de l’itinéraire balisé parce que c’est joli là bas. On s’arrêtera au lieu du pique nique prévu où la cohorte se retrouvera. Au ravito si l’évènement se prétend sportif. Et à l’arrivée le comité d’accueil te félicitera et tu le remercieras chaudement.

Jamais je ne m’inscris seul. Le voyage organisé est toujours l’alibi pour se secouer à partir de loin et retrouver les amis de l’autre bout du pays. C’est le partage de la route faite ensemble qui fait ma joie. Notre groupe s’abstrait dans sa bulle, hors de la foule qui s’est convoquée. Il y a toujours une joie qui précède le jour J. Jusqu’à six mois avant, on papote du moment à venir, on prépare ensemble tout ce qui fera du périple une réussite. On s’impatiente même à (re) découvrir le beau gosse, cartographe patenté des robots à pizza. On se raconte nos vélos et nos tenues pour ce jour tant attendu.

Je crois qu’on peut également partir sans rien prévoir et tirer à pile ou face à chaque intersection. D’aucuns l’on fait.

Pour ma part je vous laisse j’ai encore pleins de cartes à étudier, de campements à rechercher.

--

--