L’interview par Maître Roger
Ton pseudo sur Twitter et Medium est « dans les limbes ». Où est-ce, ces limbes ?
Dans un roman de Michel Tournier, et puis franchement ça a plus de classe que danslecloud ? J’ai été profondément marqué par les périodes telluriques et végétales de son Robinson.
En vérité, quitte à être dans l’imposture, tels certains influenceurs de Twitter, autant l’assumer et avoir un pseudo. Cela ne concerne évidemment pas les vrais, les purs, les durables, ceux qui désinforment depuis le XXème siècle, et qui sont les véritables maîtres de l’internet.
Le choix des limbes n’a a rien à voir avec l’acception religieuse du terme, même si je peux me trouver beau comme un Dieu, quand je sors de la douche. (Nudes en DM à la demande)
A quoi ressemble une journée-type (de travail) dans tes limbes ?
Je prends mon vélo pour aller au boulot, je m’assoies sur une chaise derrière un écran, je demande leur avis à plein de gens, et une fois que j’ai compris ce dont ils ont besoin, je vais jouer aux cartes. A la fin de la journée, je reprends mon vélo.
Et une journée-type de non travail ?
Je prends mon vélo, je vais faire les courses, j’aide ma moitié à préparer de succulentes agapes, que j’immortalise d’une image carrée que je poste avec le hashtag #pornfood. Après la sieste, je prends mon vélo pour aller voir des potes avec qui on discute vélo. Parfois, je pars en vacances sur mon vélo.
Le dimanche, je nettoie mon vélo, parce que je suis un maniaque des trucs qui doivent tourner rond. Va falloir que je m’occupe de certains, à cet égard.
Pourquoi avoir choisi la bicyclette pour te déplacer ?
Parce que le vélo est le nouveau romantisme.
Et comme je suis un garçon éclectique, et que je crois avoir testé à peu près tout ce qui permet de se mouvoir, je raconte. Il ne doit me manquer que la fusée. J’ai préféré laisser ma place à Thomas Pesquet dans la station spatiale, parce que j’avais un colis à aller chercher à la poste.
Le vélo ça tourne rond, et c’est le moyen de déplacement qui a le meilleur rapport vitesse / énergie dépensée. Je suis un scientifique, et j’ai calculé des roulements à billes de téléphérique durant mes études. Depuis que je sais que ce sont des gens comme moi qui les fabriquent, je ne les emprunte plus.
Et puis le téléphérique c’est pas pratique quand tu n’habites pas à la montagne.
Tu vis près de Paris, tu travailles à Paris… et tu te déplaces à bicyclette ; comment expliques-tu cette tendance suicidaire ?
Je suis un rebelle. Dans les livres, je lis toujours la dernière page en premier.
Ce qui me parait suicidaire, c’est de s’enfermer dans deux tonnes de ferraille avec de l’air qui tourne en boucle dans l’habitacle, se faire compresser dans une rame de RER en espérant ne pas attraper les miasmes de son voisin.
Au moins à vélo, tu as froid quand il fait froid, tu as chaud quand il fait chaud, tu es mouillé quand il pleut. Et puis à vélo, on peut parler aux gens. C’est vrai que c’est terrifiant de danger quand j’y pense.
S’il y avait un téléphérique à Paris, je crois que je le prendrai car j’aime bien voir les choses de haut.
Quand et pourquoi as-tu créé ton blog sur Medium ?
J’ai un pote qui m’a demandé de raconter ma conversion du ferroviaire au vélo. Il a fallu que je trouve un endroit pour l’écrire.
Parce que je suis une feignasse avertie. J’ai la flemme de m’occuper d’un site, de son nom de domaine, de paramétrer un wordpress, etc. Parce que je lis les Terms of Service de ce qui est gratuit sur internet, tout comme les mode d’emploi de l’électroménager avant de les brancher. Par respect pour ceux qui les écrivent. Et parce qu’on ne sait jamais, je veux être sûr de savoir retrouver la chaussette orpheline coincée au fond du tambour de la machine à laver.
Chez Medium, on est bien, on se sent moins seul, et tes écrits ne sont pas utilisés à des fins commerciales. Les lignes éditoriales, sont celles d’idéalistes humanistes. C’est pas que ça me ressemble, mais j’aimerais bien.
Quelle est ta quête, en tant que blogueur ?
J’aime les histoires. J’écrivais des lettres d’amour. J’ai quatre vélos et une seule moitié. Avec cette dernière nos écrits sont devenus plus utilitaristes. “T’as pensé au pain ?” s’écrit-on en texto aujourd’hui.
Aussi, parce que j’aime mes vélos, je leur dédie les élucubrations amoureuses qui m’arrivent quand je les chevauche.
L’écrit est d’abord individuellement destiné. A quelques lecteurs que je connais. Et en premier lieu, ma correctrice, qui est une professionnelle et ala primeur de mes lignes. Et le lecteur de passage qui me témoigne du plaisir qu’il a pris à ma prose décousue, pleine de sous-entendus, à la syntaxe chaotique, me remplit d’extase.
Ton blog sur Medium est-il ta première expérience de blogueur ?
En 1998, j’ai créé ma page perso, toujours en ligne. Une expérience dadaïste d’un web naissant en France.
Et pendant presque quinze ans plus rien.
Sur l’oiseau bleu, j’ai eu quelques éructations lyriques avec #LePassagerDenFace qui fût mon co-détenu de RER. Ca n’en fait pas un blog pour autant.
Il m’est également arrivé de publier quelques humeurs dans un réseau social professionnel possédé par Microsoft aujourd’hui. Je me répands enfin dans le truc collaboratif de ma boîte. Ça fait rire mes collègues, et désespère le management.
Avec cette série sur le vélo, je suis plus dans l’air du temps, un concurrent de Netflix en somme. Et quand je roule à vélo, les cahots me font sortir des bribes d’histoires, que j’assemble comme un cadavre exquis dans un jaillissement que je ne peux retenir. Avec pas loin de deux heures par jour de pédalage, le trop plein arrive vite. Ça sort en moyenne une fois par mois.
Pourquoi as-tu désiré être interviewé par Maître Roger ?
C’est le graal de tout blogueur, l’équivalent des étoiles d’Hollywood Boulevard.
Et comme la légion d’honneur, ça ne se demande pas. Quelqu’un le fait pour vous. On l’accepte, parce que c’est un honneur.
Tu n’ignores pas qu’il y a un avant et un après l’interview par Maître Roger ; comment te prépares-tu à la vie de gloire et de paillettes d’après l’interview ?
A n’en pas douter, cela avancera le jour tant attendu où tous mes congénères circuleront en sécurité, avec plaisir, et ils sauront à qui ils le doivent, même si je dois finir maudit.
Je reste lucide, et sais que cela se terminera avec une couverture de Voici.
Si Maître Roger vient dîner avec toi à Paris, où l’emmèneras-tu ?
Où bon lui semblera. Il prendra un Vélib pour s’y rendre.
Lis-tu d’autres blogueurs ou blogueuses ? Est-ce qu’il y a une communauté de blogs à bicyclette ?
La science de la vulgarisation juridique de Maître Eolas m’a ébahie. Il est cycliste urbain également, le savais-tu ? Mots Surannés, Plume et Chocolat, Nos Parfaites Imperfections, parce que je connais leurs auteurs, et que ça m’émeut.
Pour les autres je papillonne.
Pour les blogs à bicyclettes, je ne sais pas. La référence du genre c’est la DailyObs de Bilook qui est en fait un Vlog. Sa voix chaude et attentionnée nous conte ses pérégrinations vélotaffeuses sur ses images en caméra suggestive. Tu regardes ça avant de dormir, et tu tourne pas deux heures avant de t’abandonner à Morphée.
Quelle musique as-tu écoutée pour répondre à cette interview ?
Celle de mon dérailleur. Sinon j’aime autant la Motown que Michel Delpech.
Avec Paulette, de Montand restera dans les annales.
Et Lance Armstrong, dans tout ça ?
Un Robocop du vélo.
Ce fut l’idole de ceux que les cyclistes urbains traitent de “Raymond en Lycra”.
En chauvin assumé, on lui préfère nettement Richard Virenque. Au moins, lui il a pleuré quand on l’a pris les doigts dans la seringue, “à l’insu de son plein gré”. On préfère carrément le petit gars bien de chez nous, élevé au grain, à la campagne, aux bonnes racines de terroir populaire, plutôt que la machine sportivo-scientifique des ricains. Dans nos contrées c’est pas très bio non plus, mais la ferveur d’un Jean-Paul Ollivier , ou d’un Gérard Holz nous l’ont tellement bien laissé croire.
Ma véritable référence c’est Mon Oncle. Lui il avait la classe internationale.
J’aimerai tellement être à sa hauteur.
NDLR : @maitreroger a fermé son site desinformations.com et j’en suis bien triste.