Le vélo est le nouveau romantisme (Ep. 35)

Dans les limbes
10 min readJun 11, 2021

L’essentiel est accessoire

NDLR : ce billet et ne fait l’objet d’aucune rémunération de son auteur par aucune des marques ni revendeur qui pourraient se reconnaître.

Voilà, it’s #NewBikeDay, le jour où le nouveau vélo tant convoité est à vous. Le vélociste n’a pas manqué de vous vendre un antivol et pour certains un casque.

Ce vélo, tout beau, tout neuf ou d’occasion, c’est le vôtre, l’unique quand bien même ses cousins ont été produits à des centaines de milliers d’exemplaire. Il est unique singulier comme vous. Au premier tour de pédale vous voilà si fier(e), que cela soit pour juste l’essayer ou déjà partir à l’aventure. Il vous emmène déjà où vous avez envie d’aller, rapidement, efficacement et c’est bien l’essentiel.

En apparence seulement.

Quand je vous croise dans les rues, sur les pistes, sur les chemins ne prenez pas peur à mon regard insistant. Votre vélo m’intéresse bien plus que vous. Ou du moins, ce qu’il raconte de vous. Il est si peu de vélos qui demeurent pareil au premier jour, et je traque ce que vous avez trouvé pour le rendre encore plus unique.

Commençons l’énumération que vous complèterez à l’envie en commentaires.

Pour profiter de l’objet que vous allez chérir le plus longtemps possible, il vous faudra assurément de quoi l’attacher solidement à un point fixe le temps de l’apéro avec les copains. Deux c’est bien. Encore faut il trimballer ces kilos, les avoir toujours à disposition. Le fabricant aura prévu un support à visser sur le cadre, mais vous préférerez peut-être placer le U en enserrant les tubes transversaux et diagonaux près de l’axe de potence. Son poids lui évitera de bringuebaler en venant se serrer tout seul. La chaîne légère entourera avec élégance la tige de selle. Plus dandy, la sangle de tube horizontal en cuir où vous glisserez nonchalamment le U. Le même modèle existe pour transporter ses grands crus. Tout se vole et c’est bien triste. Vous aurez en conséquence remplacer vos attaches de roue par des boulons antivols. Plus Do It Yourself et vous plaçant dans la catégorie de ceux qui possèdent un dérive chaîne, quelques maillons de transmission entravent les rails de la selle au cadre. A ne mettre que sur un single speed pour éviter la faute de goût. L’antivol fin aura le même usage avec bien moins de chic.

Plus typé, la pince de roues, toujours à demeure, ouvert que si la clé s’y trouve vous identifiera comme rêvant d’un monde cyclable avec un accent batave. A vous les arrêts “deux minutes” pour acheter votre baguette sans chercher bien loin un arceau où s’arrimer.

La béquille ne sied pas aux gravels, et pourtant elle est si utile pour qui ne souhaite pas esquinter le vernis de son cadre ou veut s’arrêter au bord du chemin pour admirer la vue. Vous en choisirez l’emplacement en fonction du poids que vous trimballez. Sous le pédalier quand le filetage ad’hoc près de l’axe de roue arrière n’est pas présent, latérale ou centrale selon que le vélo se stationne penché ou droit. Elle aura la largeur du plateau pour les cargos.

Vous n’avez pas la souplesse d’un ninja et vous ne savez plus où est le petit sachet avec les lumières et les catadioptres que le vélociste a réglementairement du vous fournir avec le vélo. De toutes façons tout cela est bien laid et vous vous orienterez vers des loupiotes pour y voir dans la nuit.
Pratiquant de la coulée verte jusqu’au château de Sceaux, c’est un projecteur avec dégueulant plusieurs centaines de lumen qui aura votre faveur. A l’arrière du clignotant rouge qui lance un SOS aux bagnolards les implorant de ne pas vous écrabouiller. Passez ce chapitre si votre vélo est pourvu d’un moyeu dynamo. Les peuneus se bardent de bande rétro réfléchissantes et sur les rayons des inserts à clipper feront tourbillonner un motif coloré. Bienvenue à la foire du trône. Des inventeurs qui n’ont rien de mieux à faire tenteront de vous convaincre d’acquérir leur petit laser qui matérialise au sol la distance réglementaire de dépassement. Fuyez ou choisissez l’écarteur orange “raquette de badminton”. La tige de bambou, la prothèse de main avec le majeur tendu font aussi bien l’affaire.

Le pouet-pouet est lui tout aussi réglementaire et son absence passible d’une amende pouvant aller jusqu’à 38 euros. Autant choisir un modèle qui vous ressemble. De toutes façons, vous n’arrivez pas plus à mettre la main sur le petit sachet des catadioptres, et comme ces derniers la sonnet est moche.
On la prendra à l’envie d’un grand diamètre avec un Mickey dessus ou annulaire sur le cintre pour la dissimuler. La sonnette cloche couleur bronze avec le bourdon en fil torsadé et au ressort apparent se mariera parfaitement avec le porte U en cuir. Bien que votre vélo parfaitement entretenu et lubrifié vous déplace avec le silence du chat vous aimez qu’on vous entende arriver.
Un air zound vous comblera. Le petit coté “Beaubourg” de la tuyauterie vers la bonbonne d’air comprimé généralement placée sur un porte bidon en séduira certains. N’oubliez pas votre pompe pour recharger si vous êtes du genre énervé.

A ceux et celles qui seraient tentés d’installer des clignotants, je dis résolument : NON ! Primo, on ne fait pas vélo pour se croire en auto. Secundo vous avez des bras, et le plus souvent deux. Tendez les, ou au pire la jambe sans oublier qu’à l’approche d’un changement de direction on ralentit. Tertio, les clignos pour vélos n’ont pas de rappel après avoir tourné et jamais au grand jamais je n’ai vu qui que ce soit les éteindre. Pas mieux pour les sac à dos avec flèche indicatrice.

Ultime raffinement visuel. L’autocollant rétro-réfléchissant de la couleur de votre vélo. Noir c’est mieux, chacun sait. Il aura le mérite d’être invisible de jour et faire son office après les vêpres.

Il est temps de faire une pause avant d’attaquer le morceau de bravoure. Et puis il faudra attendre la prochaine paye avant d’aller se ruer vers les alléchantes et absolument indispensables propositions que les algorithmes des GAFA vous propose comme le truc sans lequel votre vie vélocypédique ne vaut rien.

Vous voilà reposé, et il est temps de s’occuper du poste de pilotage. Vu ce que j’y mets, je suis persuadé que j’aurai pu piloter un A380.

Un compteur de vitesse, surtout parce qu’il y a l’heure dessus. Pour s’ébaubir des vitesses faramineuses atteintes en descente. En montée mieux vaut ne pas regarder, ça me fait pleurer ou m’encourage selon l’état du moment. S’il indique la température on s’évitera la gamelle d’un freinage trop appuyé sur le sol givré en vélotaf hivernal.

Un GPS parce que la batterie dure longtemps.

Un support de multi-tool numérique baptisé smartphone. De la simple bande élastique à oreille jusqu’au boitier étanche à batterie de secours intégré, vous aurez l’embarras du choix. Vérifiez la tenue à la route, la lisibilité dans l’aveuglant soleil, la rapidité d’accroche et de retrait. Que vous scrutiez vos kom Strava ou le prochain tournant à prendre pour trouver le glacier que vous ne connaissez pas encore, éviter de tapoter en roulant.

Le support de camera. Pas de débat, la fixation est souvent fournie avec, et l’internet fourmille de raccords courts longs carré pour la placer au mieux de l’encombrement de votre cintre.

Une fixation de panier, ou de porte bagage avant. Qu’il se fixe en cliquant ou avec une clé de 10 à demeure, vous sélectionnerez selon la modularité souhaitée. Le rappel de charge vers l’axe de roue avant apporte sa touche vintage des vélos de la moitié du XXième siècle et vous vous imaginerez ouvrier spécialisé chez Renault à l’entrée de l’île Seguin. Évidemment c’est juste pour faire smart quand on range son vélo dans l’open space près du baby foot.

Un headset cap personnalisé. Réservé aux potences du même nom. Vous afficherez votre amour de la pizza, un motif Mondrian ou une rebelle tête de mort. Au moins vous ne rajouterez pas de poids.

La guidoline, les poignées. Il y en a pour toutes les pognes. Se reposer la paume est un délice. Qui en a ? Ma pomme.

Les bar-ends ou les cornes pour les cintres droits à la position monotone. Ça nous rappelle les VTT d’avant le XXIème siècle, ça aide à forcer comme âne dans les raidillons et ça s’accroche au rétros des autos. Ergonomiques et moins saillants, le modèle qui se place plus au centre et pivote le poignet pour le soulager.

Un rétroviseur. Il sert autant au contrôle avant de déboiter l’auto stationnée sur la bande cyclable qu’à vérifier que la petite troupe suit le rythme dans les sorties au long cours.

Des manchons pour l’hiver et les mimines frileuses. Pas compatible avec le rétroviseur et des bar ends. Je leur préfère des gants efficaces, parce que j’ai une circulation efficace et j’aime bien ne pas m’en mettre plein les doigts si la chaîne a dérailler. En cas de chute, m’est avis que cela protège mieux qu’un casque.

Pour en finir avec le cintre, c’est l’endroit idéal pour les trucs qui ne servent qu’à entretenir votre nostalgie. La rosace de finisher de l’inventaire coulée verte, la guirlande de Noël en saison. La plaque du dernier Vélotour ou de votre Paris-Brest vous replongera dans quelques beaux instants de votre vie à pédales.

Continuons vers l’arrière notre découverte des solutions pour alourdir votre vélo. O miracle, bien souvent vous y trouverez les inserts propices à l’arrimage de tout de ce qu’il y a de moins indispensable.

Le porte bidon est dans tous les matériaux connus. On y greffera également l’accroche de la pompe pour en éviter les coups. Le bidon ne contient pas que de l’eau. Il parait qu’on avance plus vite avec un soupçon d’alcool fort. On y dissimulera un peu d’outillage et une chambre air. Il parait qu’on va plus loin quand on peut réparer son vélo au bord du chemin. Trois porte-bidons sont alors bien utiles pour qui à trop soif et ne sait que les cimetières ont des robinets accessibles et voudra en même temps réparer sa crevaison. A coté du robinet du cimetiere, il y a souvent un arrosoir qui traîne.

Le velcro a révolutionné l’art du bagage à vélo. L’association gravel/bikepacking vous place au pinacle de la hiérarchie cyclable.
Sur votre Pinarello, vous serez l’aventurier que chacun rêve d’être.
Plus prosaïque la micro sacoche à cheval dur le tube transversal contiendra vos clés et votre barre chocolatée préférée.

Nous arriverons enfin au séant, et tout de suite quand on parle de cul, les compteurs de mon blog s’affole. Par pitié, ne mettez pas de couvre selle en gel. D’abord ça ne lubrifie rien, ensuite ça coûte le prix d’une selle ajustée à la distance de vos ischions. Et ce n’est pas toujours la plus grande qui est la meilleure. En cuir pour les fétichistes, le bonheur se trouvera après l’avoir rodée. Pour parfaire votre confort fessier vous opterez pour une tige de selle articulée et amortie.

Les rails de selle sont parfaits pour y adjoindre quelques accroches supplémentaires. Du double support de bidon et cartouches de CO2 pour le triathlète, en passant par la fixation anodisée de caméra arrière on aura la petite sacoche pour la chambre à air, ou summum du cool, la trousse à outil en plastique avec les deux languettes pour maintenir en son sein la sucette à écrous de toutes tailles et les démonte pneus en acier. Le tube de colle àvulcaniser et quand à lui complètement sec depuis bien longtemps.

Du porte-bagages on dira peu de choses. Des sacoches non plus. Juste du miracle du modèle versatile qui adapte sa forme à l’objet que vous transportez. Même un autre vélo !
Si elle n’est pas déjà sur le porte paquet avant, la caisse de vin recyclée et boulonnée vous posera en esthète des bonnes choses pour autant que le château choisi ait un peu de renommée. Adepte du quaxing ou de la promenade du chat, une caisse en plastique fait le taf et reste légère.
Le top case est à proscrire absolument.

Un pare jupe est utile si vous en portez, ou si vous transportez un enfant. Je suppose qu’en kilt cela évite les mêmes désagréments. Le plus beau qu’il m’a été donné de voir est en macramé de fils de scoubidous qui a du demander des heures de tressage pour un résultat unique.

Revenons au cadre qui se parera au choix des autocollants de Vache qui rit, du macaron de votre tribu fut-elle seulement composée de deux membres.
La peinture d’origine pourra en être intégralement recouverte au point de ne plus distinguer vos sectes d’appartenance. Du gaffer aura le même usage de protection contre le frottement des sacoches, des coups contre les arceaux aux méchantes arêtes.

Bien sûr une peinture personnalisée rendra votre vélo unique au point de le rendre invendable. Sauf s’il est rose avec des paillettes. Un pédalier gravé vous coutera l’autre rein et ne donnera pas plus de valeur au vélo.

En forme de plaque minéralogique, à la poupe du vélo vous afficherez votre déclaration. Elle s’adresse en général à la gente motorisé et l’enjoint à vous dépasser plutôt que de trépigner derrière. Un message au monde à préserver et également de bon aloi. Sinon des fleurs accrochées au panier pour signifier votre amour du prochain.

J’en ai vraisemblablement oublié, et vous ne manquerez pas de le signaler.

Mention spéciale pour les aficionados de l’iconique vélo pliant britannique pour les avertir que toutes les pièces de leur vélo, je dis bien toutes, se trouvent en après-marché dans les échoppes taïwanaises. Pour quatre fois le prix d’origine, vous aurez, après avoir changé la première rondelle complétement reconstruit un nouveau vélo.

Parfois sur ma route je croise des vélos qui semblent d’origine et m’en étonne au point de le détailler jusqu’aux crampons des pneus. Infiniment rare sont ceux qui restent comme à la sortie du vélociste.

Si c’est le cas, l’envie me prend de lui conseiller l’accessoire essentiel qui changera sa vie. Or comme le propre du vélo est d’être libre, je m’en garde bien et je continue ma route.

Pas lu l’épisode 34 ?
Il est là

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